La demande de Pierre Mazeaud de dire à la revue Espoir ce que le 18 juin pouvait représenter pour moi m’a touché, et rendu perplexe. Touché, compte tenue de l’immensité du symbole de l’appel du 18 juin. Perplexe car je suis né en 1947, sept ans plus tard; parce que je suis entré dans la vie active en 1974, à ma sortie de l’ENA trente quatre ans après; que je suis issu d’une famille «catholique de gauche»; et surtout que je suis venu à la politique, et aux responsabilités, par François Mitterrand, dont mon père était un ami très proche.
A la fin j’ai pensé que ce regard d’après, et d’en face, ou en tout cas d’ailleurs (ailleurs que de la famille gaulliste) pouvait, justement, présenter un intérêt. Après tout, mon milieu familial n’était pas gaulliste, mais pas du tout anti-gaulliste. Il était anticolonialiste et, pour cette raison, on y respectait le général de Gaulle. Bien plus tard, j’ai d’ailleurs osé l’expression «gaullo-mitterrandienne» pour qualifier la politique étrangère et la politique de défense du président Mitterrand, voire même celle que j’ai conduit, en tant que ministre des Affaires étrangères pendant la troisième cohabitation entre Jacques Chirac et Lionel Jospin. Quelques gaullistes historiques m’en ont donné quitus. C’est sans doute la raison de cette demande.
Alors, tout simplement: j’estime que le texte du 18 juin est un des actes – car cette parole est un acte – les plus purs et les plus hauts de l’Histoire de France, venant juste après un de ses points les plus bas: la désintégration en quelques semaines de l’armée française, «première armée du monde», et ses conséquences: capitulation, occupation, abolition de la République, et la suite, sinistre. Cet appel, prolongé par ceux des jours suivants, est prodigieux d’intelligence visionnaire à long terme (l’issue de la guerre) et, aussi, de courage.
Il fait écho, à travers les siècles, à d’autres refus héroïques, à des non salvateurs. En plus il est fondateur car il prévoit, juste.
Pour autant peut-il être une référence pour aujourd’hui? Nous ne sommes heureusement pas confrontés à une menace de type nazi, monstrueuse, exceptionnelle, inconcevable en dehors de circonstances très particulières. Espérons que cela ne se reproduira jamais… Ce qui nous menace est plus insidieux. La notion «d’indépendance nationale» fil conducteur de la pensée du général de Gaulle, n’est pas aujourd’hui un viatique suffisant car la caractéristique première de notre monde globalisé est l’interdépendance généralisée. Donc se dire «indépendant» n’est pas un programme suffisant. Néanmoins, la France doit préserver son indépendance d’esprit et d’analyse, élaborer de façon autonome sa politique, agir ensuite avec un pragmatisme gaullien avec ses partenaires et alliés au niveau national, européen ou international, selon les cas. Agir au niveau de, ne pas s’en remettre à (l’Europe, ou autre).
La différence est de taille.
Donc l’actualité du 18 juin?: appliquer l’indépendance d’esprit… à la gestion de l’interdépendance.
La demande de Pierre Mazeaud de dire à la revue Espoir ce que le 18 juin pouvait représenter pour moi m’a touché, et rendu perplexe. Touché, compte tenue de l’immensité du symbole de l’appel du 18 juin. Perplexe car je suis né en 1947, sept ans plus tard; parce que je suis entré dans la vie active en 1974, à ma sortie de l’ENA trente quatre ans après; que je suis issu d’une famille «catholique de gauche»; et surtout que je suis venu à la politique, et aux responsabilités, par François Mitterrand, dont mon père était un ami très proche.
A la fin j’ai pensé que ce regard d’après, et d’en face, ou en tout cas d’ailleurs (ailleurs que de la famille gaulliste) pouvait, justement, présenter un intérêt. Après tout, mon milieu familial n’était pas gaulliste, mais pas du tout anti-gaulliste. Il était anticolonialiste et, pour cette raison, on y respectait le général de Gaulle. Bien plus tard, j’ai d’ailleurs osé l’expression «gaullo-mitterrandienne» pour qualifier la politique étrangère et la politique de défense du président Mitterrand, voire même celle que j’ai conduit, en tant que ministre des Affaires étrangères pendant la troisième cohabitation entre Jacques Chirac et Lionel Jospin. Quelques gaullistes historiques m’en ont donné quitus. C’est sans doute la raison de cette demande.
Alors, tout simplement: j’estime que le texte du 18 juin est un des actes – car cette parole est un acte – les plus purs et les plus hauts de l’Histoire de France, venant juste après un de ses points les plus bas: la désintégration en quelques semaines de l’armée française, «première armée du monde», et ses conséquences: capitulation, occupation, abolition de la République, et la suite, sinistre. Cet appel, prolongé par ceux des jours suivants, est prodigieux d’intelligence visionnaire à long terme (l’issue de la guerre) et, aussi, de courage.
Il fait écho, à travers les siècles, à d’autres refus héroïques, à des non salvateurs. En plus il est fondateur car il prévoit, juste.
Pour autant peut-il être une référence pour aujourd’hui? Nous ne sommes heureusement pas confrontés à une menace de type nazi, monstrueuse, exceptionnelle, inconcevable en dehors de circonstances très particulières. Espérons que cela ne se reproduira jamais… Ce qui nous menace est plus insidieux. La notion «d’indépendance nationale» fil conducteur de la pensée du général de Gaulle, n’est pas aujourd’hui un viatique suffisant car la caractéristique première de notre monde globalisé est l’interdépendance généralisée. Donc se dire «indépendant» n’est pas un programme suffisant. Néanmoins, la France doit préserver son indépendance d’esprit et d’analyse, élaborer de façon autonome sa politique, agir ensuite avec un pragmatisme gaullien avec ses partenaires et alliés au niveau national, européen ou international, selon les cas. Agir au niveau de, ne pas s’en remettre à (l’Europe, ou autre).
La différence est de taille.
Donc l’actualité du 18 juin?: appliquer l’indépendance d’esprit… à la gestion de l’interdépendance.