Obama, des visions et des renoncements

Au moment où l’Amérique semble hésiter entre reconduire Obama et prendre le risque Romney – presque tous les dirigeants occidentaux sortant ont été battus depuis la crise! – Justin Vaisse publie une analyse très éclairante(1), des quatre années d’Obama en politique étrangère(2).

L’enthousiasme européen envers le premier «président américain noir», qui avait gagné jusqu’au
jury Nobel, alors même qu’Obama avait présenté dans un discours magnifique à Philadelphie une vision post raciale, s’est évanoui. En tout cas, le temps est venu d’un premier bilan. La déception est là, mais quel miracle ses groupies attendaient-ils de lui? Point par point, Julien Vaisse analyse le sens de l’écoute, l’intelligence aigüe d’Obama mais aussi ses balancements, son mode de décision relativement lent qui conduit à des demi échecs ou quasi succès…
Au début, tourner la page des années G.W.Bush est l’évidence. C’est fait rapidement par les décisions de sortie d’Irak (rapide) et d’Afghanistan (complexe et différée), mais pas complètement: Guantanamo, antimissiles, Iran. B. Obama déploie ensuite son verbe, pense envouter le monde comme l’a été la majorité du peuple américain, et toute l’Europe. Il «reformule de façon visionnaire le leadership américain», «est prêt à accueillir le monde émergent», rêve de dépasser l’affrontement Islam – occident, tend la main à l’Iran, à la Russie et fait «pivoter» l’Amérique vers les enjeux chinois et asiatiques. Justin Vaisse montre bien le pragmatisme d’Obama, qui n’appartient entièrement à aucune école répertoriée en politique étrangère américaine, est idéaliste à certains moments, mais finalement très réaliste. Les déconvenues initiales sont multiples: la main volontairement tendue à l’Iran provoque à Téhéran un printemps – le premier – , vite étouffé, sans que Washington n’y puisse rien. Le «reset» avec la Russie aurait pu marcher si Medvedev avait été le maitre. Avec la Chine, aucune des stratégies américaines ne fonctionne bien, interdépendance économique oblige. Les promesses du discours au Caire se fracassent avec la capitulation d’Obama devant le refus de Netanyahou, soutenu par le congrès américain, d’arrêter la colonisation, et le durcissement américain constant sur l’Iran. Le réveil arabe devait survenir un jour ou l’autre, mais prend à contre pied les États-Unis (comme tout les autres) qui ne peuvent guère l’influencer, et l’accompagnent tant bien que mal.
Mais Obama est aussi devenu «Obama le terrible», un chef de guerre dur, souligne Vaisse. Il a pris le risque d’éliminer Ben Laden, et utilise plus les drones que G.W.Bush. Il a décidé de réduire, un peu, le budget du Pentagone mais celui-ci continue à représenter 46% des dépenses militaires du monde entier! Sans surprise, il ne s’intéresse pas beaucoup à l’Europe car, comme je l’avais dit dès son élection, celle-ci n’est pour lui «ni un problème, ni une solution».
Quoiqu’il en soit et quelque soit l’issue du vote, le «premier président américain post hégémonique» (Frachon et Vernet, dans «la Chine contre l’Amérique») aura montré une exceptionnelle compréhension du monde, ce à quoi une partie de l’Amérique se refuse absolument, mais n’a pas réussi encore à en faire une politique étrangère marquante… Difficile donc de savoir ce qu’il ferait d’un second mandat, (pas plus que Romney de son premier!) Peut être cela lui permettrait il de donner toute sa mesure? A moins que le Congrès ne le ligote encore? En tout cas qui d’autre que lui a ce champ de vision?
HV

(1) Barak Obama et sa politique étrangère (2008-2012). Odile Jacob
(2) En même temps ressort, refondu, l’excellent livre de Zaki Laîdi, «le monde selon Obama», champs actuel.

Obama, des visions et des renoncements

Hubert Vedrine

Obama, des visions et des renoncements

Au moment où l’Amérique semble hésiter entre reconduire Obama et prendre le risque Romney – presque tous les dirigeants occidentaux sortant ont été battus depuis la crise! – Justin Vaisse publie une analyse très éclairante(1), des quatre années d’Obama en politique étrangère(2).

L’enthousiasme européen envers le premier «président américain noir», qui avait gagné jusqu’au
jury Nobel, alors même qu’Obama avait présenté dans un discours magnifique à Philadelphie une vision post raciale, s’est évanoui. En tout cas, le temps est venu d’un premier bilan. La déception est là, mais quel miracle ses groupies attendaient-ils de lui? Point par point, Julien Vaisse analyse le sens de l’écoute, l’intelligence aigüe d’Obama mais aussi ses balancements, son mode de décision relativement lent qui conduit à des demi échecs ou quasi succès…
Au début, tourner la page des années G.W.Bush est l’évidence. C’est fait rapidement par les décisions de sortie d’Irak (rapide) et d’Afghanistan (complexe et différée), mais pas complètement: Guantanamo, antimissiles, Iran. B. Obama déploie ensuite son verbe, pense envouter le monde comme l’a été la majorité du peuple américain, et toute l’Europe. Il «reformule de façon visionnaire le leadership américain», «est prêt à accueillir le monde émergent», rêve de dépasser l’affrontement Islam – occident, tend la main à l’Iran, à la Russie et fait «pivoter» l’Amérique vers les enjeux chinois et asiatiques. Justin Vaisse montre bien le pragmatisme d’Obama, qui n’appartient entièrement à aucune école répertoriée en politique étrangère américaine, est idéaliste à certains moments, mais finalement très réaliste. Les déconvenues initiales sont multiples: la main volontairement tendue à l’Iran provoque à Téhéran un printemps – le premier – , vite étouffé, sans que Washington n’y puisse rien. Le «reset» avec la Russie aurait pu marcher si Medvedev avait été le maitre. Avec la Chine, aucune des stratégies américaines ne fonctionne bien, interdépendance économique oblige. Les promesses du discours au Caire se fracassent avec la capitulation d’Obama devant le refus de Netanyahou, soutenu par le congrès américain, d’arrêter la colonisation, et le durcissement américain constant sur l’Iran. Le réveil arabe devait survenir un jour ou l’autre, mais prend à contre pied les États-Unis (comme tout les autres) qui ne peuvent guère l’influencer, et l’accompagnent tant bien que mal.
Mais Obama est aussi devenu «Obama le terrible», un chef de guerre dur, souligne Vaisse. Il a pris le risque d’éliminer Ben Laden, et utilise plus les drones que G.W.Bush. Il a décidé de réduire, un peu, le budget du Pentagone mais celui-ci continue à représenter 46% des dépenses militaires du monde entier! Sans surprise, il ne s’intéresse pas beaucoup à l’Europe car, comme je l’avais dit dès son élection, celle-ci n’est pour lui «ni un problème, ni une solution».
Quoiqu’il en soit et quelque soit l’issue du vote, le «premier président américain post hégémonique» (Frachon et Vernet, dans «la Chine contre l’Amérique») aura montré une exceptionnelle compréhension du monde, ce à quoi une partie de l’Amérique se refuse absolument, mais n’a pas réussi encore à en faire une politique étrangère marquante… Difficile donc de savoir ce qu’il ferait d’un second mandat, (pas plus que Romney de son premier!) Peut être cela lui permettrait il de donner toute sa mesure? A moins que le Congrès ne le ligote encore? En tout cas qui d’autre que lui a ce champ de vision?
HV

(1) Barak Obama et sa politique étrangère (2008-2012). Odile Jacob
(2) En même temps ressort, refondu, l’excellent livre de Zaki Laîdi, «le monde selon Obama», champs actuel.

source:https://www.hubertvedrine.net Homepage > Publications > Obama, des visions et des renoncements
03/11/2012