Bien entendu, nul ne sait comment les événements vont évoluer. Il est certain, en revanche, que l’Occident devra s’accommoder d’un monde arabe plus marqué par le nationalisme.
Pour l’instant, l’Occident se fait peur avec le spectre de l’islamisme. Il est prématuré de dire que la chute des régimes autoritaires n’a pas fait le lit de l’islamisme, mais aucun expert n’envisage un scénario à l’iranienne, qui avait d’ailleurs pris tout le monde par surprise, y compris les Iraniens. Les partis islamiques sortiront certes plus forts d’élections libres, mais les chances qu’ils détournent le processus démocratique à leur profit sont minces. Il y a d’ailleurs un contre-exemple à l’Iran : la Turquie.
Nous allons probablement plutôt assister à la résurgence du nationalisme arabe, trouvant notamment son origine dans cette nouvelle Egypte et se diffusant alentour. Un nationalisme légitime, sans chauvinisme, fondé sur une fierté neuve. Coeur historique du monde arabe, l’Egypte a été de facto neutralisée pendant plus de trente ans, plongeant le monde arabe dans la paralysie. Une Egypte démocratique va inévitablement chercher à réaffirmer son influence. Elle ne va pas remettre en question son traité de paix avec Israël, ni se montrer agressive. Mais elle va cesser de cautionner un pseudo processus de paix, et ne plus héberger obligeamment à Charm el-Cheikh des sommets de complaisance. L’Occident ne devrait pas être en être surpris ni s’en effrayer. Il devra résister à la tentation de s’inventer un nouvel ennemi (le nationalisme arabe), et se tenir prêt à considérer ce nouveau monde arabe comme un véritable partenaire.
Cette époque, confortable pour l’Occident et Israël, s’achève. Il nous faudra nous adapter, intelligemment. C’est également vrai pour les autres pays arabes, en particulier ceux du Golfe, qui bénéficiaient de l’absence de l’Egypte et devront tenir compte de son retour. Une Egypte plus démocratique, telle qu’elle est train d’apparaître, sera finalement un partenaire plus solide dans la construction de la paix. Si, du moins, Israël accepte de faire les compromis que le monde entier juge nécessaires et auxquels la majorité de son opinion publique consent tant que la sécurité du pays est garantie.
S’il est vrai que l’Occident s’appuyait sur les gouvernements arabes et cherchait leur soutien pour ses propres fins, il ne les a pas portés au pouvoir, et n’a joué aucun rôle dans leur chute. Ils ont été renversés par les révoltes menées par la jeunesse arabe, hommes et femmes de Tunisie et d’Egypte. Et d’autres suivront.
Les néoconservateurs américains et leurs partisans en Europe n’ont pas la moindre raison de s’attribuer le crédit de ces révoltes. Ils ne les avaient pas prévues (sinon pourquoi auraient-ils développé sous le président George W. Bush ces théories sur la nécessité d’intervenir pour provoquer le changement?). En fait, ils ont seulement réussi à jeter le discrédit sur la notion de démocratisation en la prenant comme prétexte pour justifier a posteriori la guerre en Irak. Il est juste de se demander si les néoconservateurs n’ont pas retardé la démocratisation du monde arabe. Qu’une coalition internationale soit intervenue en Libye ne modifie pas l’équation; personne en dehors du pays n’avait prévu, et encore moins fomenté, le soulèvement de Benghazi. La Libye est un cas extrême : la responsabilité de protéger les insurgés a balayé toute autre considération. Mais l’engagement international sous l’égide des Nations unies a établi un précédent qu’il faudra soigneusement prendre en compte.
Les Tunisiens, les Egyptiens et les autres vont évidemment affronter des problèmes éprouvants. L’avenir de la Libye est lourd d’incertitudes. Bâtir une société démocratique après Mouammar Kaddafi prendra sûrement beaucoup de temps; la Syrie est un défi sans équivalent. Il y aura des moments de régression, mais il existe des perspectives pleines d’espoir. Le Maroc en fait partie.
Nous ne déciderons pas de l’évolution de ces mouvements arabes, ce qui ne nous exempte pas de chercher à les aider à réussir. Au cours de leur marche pour construire des institutions démocratiques, les pays arabes défendront leurs intérêts avec plus d’assurance. L’Egypte donne déjà le ton, en faisant part aux trois principales puissances de la région (la Turquie, l’Iran et Israël), ainsi qu’au Soudan, qu’elle cherche à refonder ses relations avec eux. D’autres pays agiront de même. Ce nouveau nationalisme a peu à voir avec le panarabisme des années 1950. Il reflète un élan en faveur d’une souveraineté accrue dans la gestion de la politique étrangère. Objectivement, nous n’avons aucune raison de le craindre.
Bien entendu, nul ne sait comment les événements vont évoluer. Il est certain, en revanche, que l’Occident devra s’accommoder d’un monde arabe plus marqué par le nationalisme.
Pour l’instant, l’Occident se fait peur avec le spectre de l’islamisme. Il est prématuré de dire que la chute des régimes autoritaires n’a pas fait le lit de l’islamisme, mais aucun expert n’envisage un scénario à l’iranienne, qui avait d’ailleurs pris tout le monde par surprise, y compris les Iraniens. Les partis islamiques sortiront certes plus forts d’élections libres, mais les chances qu’ils détournent le processus démocratique à leur profit sont minces. Il y a d’ailleurs un contre-exemple à l’Iran : la Turquie.
Nous allons probablement plutôt assister à la résurgence du nationalisme arabe, trouvant notamment son origine dans cette nouvelle Egypte et se diffusant alentour. Un nationalisme légitime, sans chauvinisme, fondé sur une fierté neuve. Coeur historique du monde arabe, l’Egypte a été de facto neutralisée pendant plus de trente ans, plongeant le monde arabe dans la paralysie. Une Egypte démocratique va inévitablement chercher à réaffirmer son influence. Elle ne va pas remettre en question son traité de paix avec Israël, ni se montrer agressive. Mais elle va cesser de cautionner un pseudo processus de paix, et ne plus héberger obligeamment à Charm el-Cheikh des sommets de complaisance. L’Occident ne devrait pas être en être surpris ni s’en effrayer. Il devra résister à la tentation de s’inventer un nouvel ennemi (le nationalisme arabe), et se tenir prêt à considérer ce nouveau monde arabe comme un véritable partenaire.
Cette époque, confortable pour l’Occident et Israël, s’achève. Il nous faudra nous adapter, intelligemment. C’est également vrai pour les autres pays arabes, en particulier ceux du Golfe, qui bénéficiaient de l’absence de l’Egypte et devront tenir compte de son retour. Une Egypte plus démocratique, telle qu’elle est train d’apparaître, sera finalement un partenaire plus solide dans la construction de la paix. Si, du moins, Israël accepte de faire les compromis que le monde entier juge nécessaires et auxquels la majorité de son opinion publique consent tant que la sécurité du pays est garantie.
S’il est vrai que l’Occident s’appuyait sur les gouvernements arabes et cherchait leur soutien pour ses propres fins, il ne les a pas portés au pouvoir, et n’a joué aucun rôle dans leur chute. Ils ont été renversés par les révoltes menées par la jeunesse arabe, hommes et femmes de Tunisie et d’Egypte. Et d’autres suivront.
Les néoconservateurs américains et leurs partisans en Europe n’ont pas la moindre raison de s’attribuer le crédit de ces révoltes. Ils ne les avaient pas prévues (sinon pourquoi auraient-ils développé sous le président George W. Bush ces théories sur la nécessité d’intervenir pour provoquer le changement?). En fait, ils ont seulement réussi à jeter le discrédit sur la notion de démocratisation en la prenant comme prétexte pour justifier a posteriori la guerre en Irak. Il est juste de se demander si les néoconservateurs n’ont pas retardé la démocratisation du monde arabe. Qu’une coalition internationale soit intervenue en Libye ne modifie pas l’équation; personne en dehors du pays n’avait prévu, et encore moins fomenté, le soulèvement de Benghazi. La Libye est un cas extrême : la responsabilité de protéger les insurgés a balayé toute autre considération. Mais l’engagement international sous l’égide des Nations unies a établi un précédent qu’il faudra soigneusement prendre en compte.
Les Tunisiens, les Egyptiens et les autres vont évidemment affronter des problèmes éprouvants. L’avenir de la Libye est lourd d’incertitudes. Bâtir une société démocratique après Mouammar Kaddafi prendra sûrement beaucoup de temps; la Syrie est un défi sans équivalent. Il y aura des moments de régression, mais il existe des perspectives pleines d’espoir. Le Maroc en fait partie.
Nous ne déciderons pas de l’évolution de ces mouvements arabes, ce qui ne nous exempte pas de chercher à les aider à réussir. Au cours de leur marche pour construire des institutions démocratiques, les pays arabes défendront leurs intérêts avec plus d’assurance. L’Egypte donne déjà le ton, en faisant part aux trois principales puissances de la région (la Turquie, l’Iran et Israël), ainsi qu’au Soudan, qu’elle cherche à refonder ses relations avec eux. D’autres pays agiront de même. Ce nouveau nationalisme a peu à voir avec le panarabisme des années 1950. Il reflète un élan en faveur d’une souveraineté accrue dans la gestion de la politique étrangère. Objectivement, nous n’avons aucune raison de le craindre.