Mais où est passée la grande déchirure du PS sur l’Europe? Un an après le référendum interne sur la Constitution qui l’a révélée, le sujet a été éclipsé des débats préparatoires au congrès du Mans qui s’ouvre après-demain. Les trois principales motions (Hollande, NPS et Fabius) s’accordent pour réclamer une Europe plus politique et plus sociale. Seuls à se démarquer, deux anciens ministres, Hubert Védrine (Affaires étrangères, de 1997 à 2002) et Henri Nallet (Agriculture, puis Justice, entre 1984 et 1992), partisans du oui au référendum et coauteurs d’une contribution, mettent en garde leurs camarades contre les espoirs «chimériques».
Pourquoi critiquer l’objectif d’une Europe sociale et fédérale?
Hubert Védrine. Parce que c’est un slogan sans portée. Tout en ayant appelé à voter oui au traité, je sentais se creuser depuis longtemps un abîme entre les élites intégrationnistes et le grand public. Après le référendum, j’ai pensé qu’il ne fallait pas se complaire dans les lamentations, mais repartir du réel. Or les positions européennes qui s’expriment aujourd’hui dans presque tous les courants du PS sont à la fois chimériques et illogiques. Chimériques, parce qu’il n’y aura pas d’Europe fédérale, du moins telle que la gauche française la conçoit. Et illogiques, parce que, dans une fédération, on vote à la majorité et que les idées sociales de la gauche française sont, même dans l’eurogroupe, structurellement et durablement minoritaires.
Henri Nallet. Le 29 mai a fait apparaître une crise qui couvait. L’élargissement a changé l’idée même de l’Europe politique. L’Europe fédérale, c’est la suite logique de la construction européenne de l’Ouest depuis les années 50. L’élargissement, lui, renvoie à une autre expérience historique, l’expérience communiste, qu’il convient de prendre en charge philosophiquement, politiquement. Aujourd’hui, les textes soumis au congrès du PS se réfèrent tous aux antiennes de la gauche française Europe sociale, Europe politique, Europe-puissance, antiaméricanisme qui sont rejetées par les autres partis sociaux démocrates. C’est pourquoi, après avoir défendu l’Europe fédérale, j’en suis venu à penser que ces positions sont irréalistes.
Faut-il renoncer à se battre?
H.V. Attendre le miracle «constitutionnel» nous empêche de nous saisir des problèmes concrets. Je milite pour des objectifs vrais, pas imaginaires: une véritable politique économique et sociale dans la zone euro; une conception socialiste de la réorientation des politiques communes, et notamment de la PAC; une nouvelle politique commune autour du triptyque recherche-nouvelles technologies-environnement; de nouveaux grands projets européens; l’Airbus de demain (pourquoi pas la voiture propre?); l’Erasmus de demain; les grands travaux d’infrastructure proposés par Jacques Delors. En étant très pragmatique: cela peut se faire à vingt-cinq comme le cadre des coopérations renforcées, ou à trois ou quatre. L’efficacité doit primer. D’ailleurs, des voix commencent à s’élever en ce sens dans divers pays.
Adieu donc au débat sur l’organisation de l’Europe?
H.N. Non, mais celui-ci suppose deux clarifications. D’une part, le préalable institutionnel: déterminons les compétences respectives des Etats et de l’Union en revenant au concept de la fédération d’Etats-nations que les socialistes n’auraient pas dû abandonner et autour duquel on peut regrouper les autres partis sociaux-démocrates, les Suédois, le SPD et le Labour. Ensuite, la question des limites de l’élargissement. Il faut répondre à ceux qui dénoncent «l’Europe sans frontière». C’était l’un des sujets implicites du référendum, et nous sommes surpris de voir la Commission pousser les feux aux négociations avec la Croatie, la Macédoine et l’Albanie.
H.V. Il faut rester disponible pour une amélioration du traité de Nice, ce qui viendra. Mais il ne faut pas que ça dévore toutes les énergies. Travaillons sans attendre.
Comment convaincre vos camarades de changer leur fusil d’épaule?
H.N. Les socialistes vont être rattrapés très vite par les échéances de 2007. Si le candidat PS est élu, que pourra-t-il dire à ses homologues lors de son premier sommet européen? En l’état actuel, rien.
H.V. Quel que soit le ou la candidate, il lui sera impossible d’aller à l’élection sur la base de ce que les actuelles motions disent de l’Europe. Il faudra qu’il définisse un véritable politique européenne.
Mais où est passée la grande déchirure du PS sur l’Europe? Un an après le référendum interne sur la Constitution qui l’a révélée, le sujet a été éclipsé des débats préparatoires au congrès du Mans qui s’ouvre après-demain. Les trois principales motions (Hollande, NPS et Fabius) s’accordent pour réclamer une Europe plus politique et plus sociale. Seuls à se démarquer, deux anciens ministres, Hubert Védrine (Affaires étrangères, de 1997 à 2002) et Henri Nallet (Agriculture, puis Justice, entre 1984 et 1992), partisans du oui au référendum et coauteurs d’une contribution, mettent en garde leurs camarades contre les espoirs «chimériques».
Pourquoi critiquer l’objectif d’une Europe sociale et fédérale?
Hubert Védrine. Parce que c’est un slogan sans portée. Tout en ayant appelé à voter oui au traité, je sentais se creuser depuis longtemps un abîme entre les élites intégrationnistes et le grand public. Après le référendum, j’ai pensé qu’il ne fallait pas se complaire dans les lamentations, mais repartir du réel. Or les positions européennes qui s’expriment aujourd’hui dans presque tous les courants du PS sont à la fois chimériques et illogiques. Chimériques, parce qu’il n’y aura pas d’Europe fédérale, du moins telle que la gauche française la conçoit. Et illogiques, parce que, dans une fédération, on vote à la majorité et que les idées sociales de la gauche française sont, même dans l’eurogroupe, structurellement et durablement minoritaires.
Henri Nallet. Le 29 mai a fait apparaître une crise qui couvait. L’élargissement a changé l’idée même de l’Europe politique. L’Europe fédérale, c’est la suite logique de la construction européenne de l’Ouest depuis les années 50. L’élargissement, lui, renvoie à une autre expérience historique, l’expérience communiste, qu’il convient de prendre en charge philosophiquement, politiquement. Aujourd’hui, les textes soumis au congrès du PS se réfèrent tous aux antiennes de la gauche française Europe sociale, Europe politique, Europe-puissance, antiaméricanisme qui sont rejetées par les autres partis sociaux démocrates. C’est pourquoi, après avoir défendu l’Europe fédérale, j’en suis venu à penser que ces positions sont irréalistes.
Faut-il renoncer à se battre?
H.V. Attendre le miracle «constitutionnel» nous empêche de nous saisir des problèmes concrets. Je milite pour des objectifs vrais, pas imaginaires: une véritable politique économique et sociale dans la zone euro; une conception socialiste de la réorientation des politiques communes, et notamment de la PAC; une nouvelle politique commune autour du triptyque recherche-nouvelles technologies-environnement; de nouveaux grands projets européens; l’Airbus de demain (pourquoi pas la voiture propre?); l’Erasmus de demain; les grands travaux d’infrastructure proposés par Jacques Delors. En étant très pragmatique: cela peut se faire à vingt-cinq comme le cadre des coopérations renforcées, ou à trois ou quatre. L’efficacité doit primer. D’ailleurs, des voix commencent à s’élever en ce sens dans divers pays.
Adieu donc au débat sur l’organisation de l’Europe?
H.N. Non, mais celui-ci suppose deux clarifications. D’une part, le préalable institutionnel: déterminons les compétences respectives des Etats et de l’Union en revenant au concept de la fédération d’Etats-nations que les socialistes n’auraient pas dû abandonner et autour duquel on peut regrouper les autres partis sociaux-démocrates, les Suédois, le SPD et le Labour. Ensuite, la question des limites de l’élargissement. Il faut répondre à ceux qui dénoncent «l’Europe sans frontière». C’était l’un des sujets implicites du référendum, et nous sommes surpris de voir la Commission pousser les feux aux négociations avec la Croatie, la Macédoine et l’Albanie.
H.V. Il faut rester disponible pour une amélioration du traité de Nice, ce qui viendra. Mais il ne faut pas que ça dévore toutes les énergies. Travaillons sans attendre.
Comment convaincre vos camarades de changer leur fusil d’épaule?
H.N. Les socialistes vont être rattrapés très vite par les échéances de 2007. Si le candidat PS est élu, que pourra-t-il dire à ses homologues lors de son premier sommet européen? En l’état actuel, rien.
H.V. Quel que soit le ou la candidate, il lui sera impossible d’aller à l’élection sur la base de ce que les actuelles motions disent de l’Europe. Il faudra qu’il définisse un véritable politique européenne.