Après les attentats de Paris, certains médias américains ont refusé de diffuser les caricatures du prophète de Charlie Hebdo. Que révèle selon vous cette réaction?
Il serait naïf et égocentrique de croire que le monde entier s’accorde sur une même définition de la liberté, la nôtre. La liberté d’expression est une valeur unanimement partagée par le monde occidental, et bien au-delà; la liberté de caricaturer est déjà moins communément admise. Quant à la liberté bien française de «blasphémer», elle est loin d’être admise par tous. Les réactions américaines soulignent ce déphasage entre nos deux sensibilités, ces visions distinctes de la liberté d’expression. Ce n’est pas pour autant qu’ils sont frileux et nous, courageux. Ce n’est pas si simple! Les limites ne sont pas placées au même endroit. Beaucoup en France revendiquent le droit au blasphème; mais certains intellectuels musulmans rétorquent qu’en France, il est interdit de «blasphémer» sur la Shoah, le racisme, etc… Cela nous parait un sophisme choquant mais c’est un argument que l’on entend. Nos histoires intellectuelles et juridiques, et donc les lois, ne sont pas les mêmes.
La nouvelle Une de Charlie Hebdo représentant le prophète a provoqué des manifestations violentes dans certains pays arabes. La France a-t-elle un devoir de responsabilité vis-à-vis de ces pays?
Qui est «la France»? Il faut distinguer. Jamais on ne fera dire à un caricaturiste, ni même au monde médiatique en général, qu’ils ont «un devoir de responsabilité». À l’inverse, les gouvernements sont presque obligés de privilégier l’éthique de responsabilité à l’éthique de conviction. Parfois, la défense à tout prix de l’esprit français et le refus de toute limite aboutit à une conséquence fâcheuse en ce qui concerne l’immense lutte qui se déroule au sein de l’Islam, dans le monde entier, entre la minorité extrémiste et les autres. Nous risquons de nous couper des Musulmans modérés, épouvantés par la violence dont ils sont d’ailleurs les premières victimes, mais qui, quand même, ne peuvent pas accepter ce qu’ils appellent le «blasphème». Cela peut nous rendre inaudibles, et moins utiles …
Vous aviez qualifié la politique étrangère de Barack Obama de « séduisante et magnifique quand on écoute ses discours, déconcertante et erratique quand on la suit au jour le jour «. Après 6 ans passés à la Maison Blanche, êtes-vous déçu par la politique étrangère de Barack Obama?
Je ne suis pas déçu, car je n’attendais pas de miracles. Pendant la campagne de 2008, j’avais jugé extravagante l’excitation générale autour du candidat démocrate, parce que fondée sur un malentendu. Je le trouvais certes talentueux, intelligent, magnifique orateur; mais espérer que l’élection d’un «Président noir», allait permettre des miracles, était irrationnel. Je ne pensais pas que son élection allait faire disparaître les données de base de la politique américaine, ni du monde. J’ai plus été déçu qu’il ne concrétise pas les attentes suscitées par ses magnifiques premiers discours de Président. Par exemple, le discours du Caire (prononcé le 4 juin 2009, il avait pour objectif d’améliorer les relations entre le monde musulman et les Américains, NDLR) : il y avait là selon moi de quoi inspirer dans la durée une politique occidentale intelligente, concernant les rapports avec le monde musulman. Malheureusement, les actes n’ont pas suivi.
Selon vous, quelles sont les occasions manquées par Obama?
La conduite concrète de la politique étrangère de Barack Obama a souvent été décevante. Sur Israël/Palestine, il a très vite baissé les bras. Hillary Clinton a fait le job, mais elle n’a guère conceptualisé ou expliqué. Quant à John Kerry, malgré un engagement personnel impressionnant, il reste sur la même ligne. Obama s’est trompé sur plusieurs dossiers. On ne peut pas lui reprocher de donner la priorité à l’Asie, ni d’avoir quitté l’Irak – il avait été élu pour cela – mais les Etats-Unis aurait dû mieux préparer leur sortie. En ce qui concerne la Russie, il a sans doute eu tort de miser la relance du couple américano-russe sur le seul Dmitri Medvedev. Contrairement à d’autres, je ne critique pas sa distanciation vis-à-vis de l’Europe : pour lui, elle n’était «ni un problème ni une solution». Sur la Syrie, je ne fais pas partie de ceux qui, y compris à Paris, se disent convaincus que des frappes aériennes précoces contre Assad auraient permis d’installer des démocrates syriens au pouvoir. On a surestimé leur influence sur le terrain. Cela dit, le mandat d’Obama n’est pas encore arrivé à son terme. Sa politique avec Cuba, intelligente, rompt avec un entêtement stérile. La grande affaire des prochains mois reste la négociation avec l’Iran. Le jugement final sur la diplomatie d’Obama dépendra d’un éventuel accord avec l’Iran.
Les États-Unis semblent avoir abandonné leur rôle de « gendarme du monde «. Doit-on regretter la période de l’» hyperpuissance «, expression dont on vous doit la paternité?
Mon expression « hyperpuissance « s’appliquait à la décennie 1990; quant à la formule « gendarme du monde «, elle est encore plus ancienne et date de la guerre froide. Ces expressions ont moins de sens aujourd’hui. Il y a toujours eu, notamment à gauche, des gens pour protester contre cette volonté des États-Unis d’être les « gendarmes du monde « et pour dénoncer l’impérialisme américain, par exemple pendant la guerre du Viêtnam. Cependant, on constate que quand les États-Unis semble se replier, c’est l’inquiétude qui l’emporte! De fait, ce n’est pas la pseudo communauté internationale, l’ONU ou le G20 qui peuvent se substituer à une telle puissance aussi structurante. Ce relatif retrait américain aurait du inciter l’Europe à prendre ses responsabilités. Malheureusement, ce n’est pas arrivé : l’Europe moderne a peur de la puissance, comme le montre l’incapacité, ou le refus, des Européens à s’entendre sur une défense commune. Mais le repli américain n’est que partiel (géographiquement) et apparent. La volonté des États-Unis de garder le contrôle de la navigation en haute mer reste absolue et le budget militaire américain reste écrasant. Certes, ils ne mettent plus l’Europe au premier plan et n’ont pu se désengager de tous les guêpiers au Moyen-Orient comme ils le souhaitaient, mais ils demeurent une puissance considérable, la première, mais moins omnipotente.
Dans un an et demi, Barack Obama quittera la Maison Blanche. Peut-on attendre des prochaines élections un éventuel tournant diplomatique?
Il peut y avoir un changement, notamment si Hillary Clinton est élue. C’est une « liberal hawk « (interventionniste libéral, NDLR) : il est possible que par tempérament et conviction, elle décide de réengager davantage les États-Unis dans certains conflits. Cet esprit « America is back « comporte des risques. Une partie du peuple américain s’en inquiéterait. Le leadership américain dans le monde peut rester réel et puissant s’il est intelligent, et fondé sur des alliances au cas par cas, avec certains émergents. Je ne crois pas à l’efficacité de l’interventionnisme d’avant, à G W.Bush, très contre-productif. Cela dit, il faudra voir jusqu’où Obama aura été obligé d’aller d’ici là dans la lutte contre l’état islamique en Irak, et même en Syrie…
La France et les États-Unis sont deux pays qui, dans leur histoire, ont souvent prétendu incarner et diffuser des valeurs universelles. Cela n’induit-il pas forcément des tensions entre ces deux puissances?
C’est vrai qu’il existe une sorte de rivalité classique d’egos entre la France et les États-Unis. Elles sont un peu comme deux vieilles actrices qui se connaissent par cœur mais s’opposent parfois! Il y a très peu de pays dans le monde qui prétendent avoir un rôle universel. Certains intellectuels en France ont mal vécu le fait que les États-Unis s’approprient ce message avec plus de marge d’influence, et tout leur hard, soft et smart power! C’est un sujet récurrent d’agacement des élites françaises à l’égard des États-Unis, ce à quoi les Américains répondent souvent par le sarcasme ou l’ignorance. Il faut dépasser tout cela.
Vous avez vécu au cœur du pouvoir, d’abord comme secrétaire général de l’Elysée pendant le deuxième septennat de François Mitterrand puis comme ministre des Affaires étrangères entre 1997 et 2002. Comment avez-vous vu évoluer les relations entre la France et les États-Unis?
Je ne vois pas de bouleversements; je parlerais plutôt de fluctuations. Quand j’étais secrétaire général de l’Elysée, la formule que j’utilisais pour caractériser la position de la France vis-à-vis des États-Unis sous la Ve République était la suivante : «ami, allié, mais pas aligné». C’est plus ou moins la ligne qu’ont tenté de suivre les Présidents de la République successifs. Du côté américain, les dirigeants oscillent entre un grand respect pour la France, vieille alliée et partenaire militaire remarquable, et un énervement parfois extrême suite à certaines prises de position françaises. Les dirigeants, ou diplomates américains ont parfois tendance à être trop susceptibles, et à croire que la France est un pays anti-américain! Comme dans toute relation, il y a des hauts et des bas. Mais même pour le pro-américain le plus servile, il est intenable d’être tout le temps en accord avec la politique des États-Unis; dans le même sens, il est parfaitement absurde d’être anti-américain sur tous les sujets! Certains prétendent que sous de Gaulle la tension était extrême avec les États-Unis. C’est excessif. Quand, après huit ans de négociations infructueuses pour réformer l’OTAN, de Gaulle décida finalement de quitter le commandement intégré de l’organisation, cela a provoqué l’hystérie de certains milieux, tant à Washington qu’à Paris. Mais les gens oublient que Nixon et Kissinger, au pouvoir par la suite, avaient beaucoup de respect pour de Gaulle, qu’ils considéraient comme le plus grand leader de tous les dirigeants occidentaux. Il faut relativiser les fluctuations. Cependant aujourd’hui, la France est un peu moins importante pour les Etats-Unis (sauf sur le plan militaire), l’Allemagne l’est plus. Les Etats-Unis pensent d’abord Asie, Russie, Iran, Moyen-Orient etc… Il faut tenir compte de tout cela, sans narcissisme, ni nostalgie.
Après les attentats de Paris, certains médias américains ont refusé de diffuser les caricatures du prophète de Charlie Hebdo. Que révèle selon vous cette réaction?
Il serait naïf et égocentrique de croire que le monde entier s’accorde sur une même définition de la liberté, la nôtre. La liberté d’expression est une valeur unanimement partagée par le monde occidental, et bien au-delà; la liberté de caricaturer est déjà moins communément admise. Quant à la liberté bien française de «blasphémer», elle est loin d’être admise par tous. Les réactions américaines soulignent ce déphasage entre nos deux sensibilités, ces visions distinctes de la liberté d’expression. Ce n’est pas pour autant qu’ils sont frileux et nous, courageux. Ce n’est pas si simple! Les limites ne sont pas placées au même endroit. Beaucoup en France revendiquent le droit au blasphème; mais certains intellectuels musulmans rétorquent qu’en France, il est interdit de «blasphémer» sur la Shoah, le racisme, etc… Cela nous parait un sophisme choquant mais c’est un argument que l’on entend. Nos histoires intellectuelles et juridiques, et donc les lois, ne sont pas les mêmes.
La nouvelle Une de Charlie Hebdo représentant le prophète a provoqué des manifestations violentes dans certains pays arabes. La France a-t-elle un devoir de responsabilité vis-à-vis de ces pays?
Qui est «la France»? Il faut distinguer. Jamais on ne fera dire à un caricaturiste, ni même au monde médiatique en général, qu’ils ont «un devoir de responsabilité». À l’inverse, les gouvernements sont presque obligés de privilégier l’éthique de responsabilité à l’éthique de conviction. Parfois, la défense à tout prix de l’esprit français et le refus de toute limite aboutit à une conséquence fâcheuse en ce qui concerne l’immense lutte qui se déroule au sein de l’Islam, dans le monde entier, entre la minorité extrémiste et les autres. Nous risquons de nous couper des Musulmans modérés, épouvantés par la violence dont ils sont d’ailleurs les premières victimes, mais qui, quand même, ne peuvent pas accepter ce qu’ils appellent le «blasphème». Cela peut nous rendre inaudibles, et moins utiles …
Vous aviez qualifié la politique étrangère de Barack Obama de « séduisante et magnifique quand on écoute ses discours, déconcertante et erratique quand on la suit au jour le jour «. Après 6 ans passés à la Maison Blanche, êtes-vous déçu par la politique étrangère de Barack Obama?
Je ne suis pas déçu, car je n’attendais pas de miracles. Pendant la campagne de 2008, j’avais jugé extravagante l’excitation générale autour du candidat démocrate, parce que fondée sur un malentendu. Je le trouvais certes talentueux, intelligent, magnifique orateur; mais espérer que l’élection d’un «Président noir», allait permettre des miracles, était irrationnel. Je ne pensais pas que son élection allait faire disparaître les données de base de la politique américaine, ni du monde. J’ai plus été déçu qu’il ne concrétise pas les attentes suscitées par ses magnifiques premiers discours de Président. Par exemple, le discours du Caire (prononcé le 4 juin 2009, il avait pour objectif d’améliorer les relations entre le monde musulman et les Américains, NDLR) : il y avait là selon moi de quoi inspirer dans la durée une politique occidentale intelligente, concernant les rapports avec le monde musulman. Malheureusement, les actes n’ont pas suivi.
Selon vous, quelles sont les occasions manquées par Obama?
La conduite concrète de la politique étrangère de Barack Obama a souvent été décevante. Sur Israël/Palestine, il a très vite baissé les bras. Hillary Clinton a fait le job, mais elle n’a guère conceptualisé ou expliqué. Quant à John Kerry, malgré un engagement personnel impressionnant, il reste sur la même ligne. Obama s’est trompé sur plusieurs dossiers. On ne peut pas lui reprocher de donner la priorité à l’Asie, ni d’avoir quitté l’Irak – il avait été élu pour cela – mais les Etats-Unis aurait dû mieux préparer leur sortie. En ce qui concerne la Russie, il a sans doute eu tort de miser la relance du couple américano-russe sur le seul Dmitri Medvedev. Contrairement à d’autres, je ne critique pas sa distanciation vis-à-vis de l’Europe : pour lui, elle n’était «ni un problème ni une solution». Sur la Syrie, je ne fais pas partie de ceux qui, y compris à Paris, se disent convaincus que des frappes aériennes précoces contre Assad auraient permis d’installer des démocrates syriens au pouvoir. On a surestimé leur influence sur le terrain. Cela dit, le mandat d’Obama n’est pas encore arrivé à son terme. Sa politique avec Cuba, intelligente, rompt avec un entêtement stérile. La grande affaire des prochains mois reste la négociation avec l’Iran. Le jugement final sur la diplomatie d’Obama dépendra d’un éventuel accord avec l’Iran.
Les États-Unis semblent avoir abandonné leur rôle de « gendarme du monde «. Doit-on regretter la période de l’» hyperpuissance «, expression dont on vous doit la paternité?
Mon expression « hyperpuissance « s’appliquait à la décennie 1990; quant à la formule « gendarme du monde «, elle est encore plus ancienne et date de la guerre froide. Ces expressions ont moins de sens aujourd’hui. Il y a toujours eu, notamment à gauche, des gens pour protester contre cette volonté des États-Unis d’être les « gendarmes du monde « et pour dénoncer l’impérialisme américain, par exemple pendant la guerre du Viêtnam. Cependant, on constate que quand les États-Unis semble se replier, c’est l’inquiétude qui l’emporte! De fait, ce n’est pas la pseudo communauté internationale, l’ONU ou le G20 qui peuvent se substituer à une telle puissance aussi structurante. Ce relatif retrait américain aurait du inciter l’Europe à prendre ses responsabilités. Malheureusement, ce n’est pas arrivé : l’Europe moderne a peur de la puissance, comme le montre l’incapacité, ou le refus, des Européens à s’entendre sur une défense commune. Mais le repli américain n’est que partiel (géographiquement) et apparent. La volonté des États-Unis de garder le contrôle de la navigation en haute mer reste absolue et le budget militaire américain reste écrasant. Certes, ils ne mettent plus l’Europe au premier plan et n’ont pu se désengager de tous les guêpiers au Moyen-Orient comme ils le souhaitaient, mais ils demeurent une puissance considérable, la première, mais moins omnipotente.
Dans un an et demi, Barack Obama quittera la Maison Blanche. Peut-on attendre des prochaines élections un éventuel tournant diplomatique?
Il peut y avoir un changement, notamment si Hillary Clinton est élue. C’est une « liberal hawk « (interventionniste libéral, NDLR) : il est possible que par tempérament et conviction, elle décide de réengager davantage les États-Unis dans certains conflits. Cet esprit « America is back « comporte des risques. Une partie du peuple américain s’en inquiéterait. Le leadership américain dans le monde peut rester réel et puissant s’il est intelligent, et fondé sur des alliances au cas par cas, avec certains émergents. Je ne crois pas à l’efficacité de l’interventionnisme d’avant, à G W.Bush, très contre-productif. Cela dit, il faudra voir jusqu’où Obama aura été obligé d’aller d’ici là dans la lutte contre l’état islamique en Irak, et même en Syrie…
La France et les États-Unis sont deux pays qui, dans leur histoire, ont souvent prétendu incarner et diffuser des valeurs universelles. Cela n’induit-il pas forcément des tensions entre ces deux puissances?
C’est vrai qu’il existe une sorte de rivalité classique d’egos entre la France et les États-Unis. Elles sont un peu comme deux vieilles actrices qui se connaissent par cœur mais s’opposent parfois! Il y a très peu de pays dans le monde qui prétendent avoir un rôle universel. Certains intellectuels en France ont mal vécu le fait que les États-Unis s’approprient ce message avec plus de marge d’influence, et tout leur hard, soft et smart power! C’est un sujet récurrent d’agacement des élites françaises à l’égard des États-Unis, ce à quoi les Américains répondent souvent par le sarcasme ou l’ignorance. Il faut dépasser tout cela.
Vous avez vécu au cœur du pouvoir, d’abord comme secrétaire général de l’Elysée pendant le deuxième septennat de François Mitterrand puis comme ministre des Affaires étrangères entre 1997 et 2002. Comment avez-vous vu évoluer les relations entre la France et les États-Unis?
Je ne vois pas de bouleversements; je parlerais plutôt de fluctuations. Quand j’étais secrétaire général de l’Elysée, la formule que j’utilisais pour caractériser la position de la France vis-à-vis des États-Unis sous la Ve République était la suivante : «ami, allié, mais pas aligné». C’est plus ou moins la ligne qu’ont tenté de suivre les Présidents de la République successifs. Du côté américain, les dirigeants oscillent entre un grand respect pour la France, vieille alliée et partenaire militaire remarquable, et un énervement parfois extrême suite à certaines prises de position françaises. Les dirigeants, ou diplomates américains ont parfois tendance à être trop susceptibles, et à croire que la France est un pays anti-américain! Comme dans toute relation, il y a des hauts et des bas. Mais même pour le pro-américain le plus servile, il est intenable d’être tout le temps en accord avec la politique des États-Unis; dans le même sens, il est parfaitement absurde d’être anti-américain sur tous les sujets! Certains prétendent que sous de Gaulle la tension était extrême avec les États-Unis. C’est excessif. Quand, après huit ans de négociations infructueuses pour réformer l’OTAN, de Gaulle décida finalement de quitter le commandement intégré de l’organisation, cela a provoqué l’hystérie de certains milieux, tant à Washington qu’à Paris. Mais les gens oublient que Nixon et Kissinger, au pouvoir par la suite, avaient beaucoup de respect pour de Gaulle, qu’ils considéraient comme le plus grand leader de tous les dirigeants occidentaux. Il faut relativiser les fluctuations. Cependant aujourd’hui, la France est un peu moins importante pour les Etats-Unis (sauf sur le plan militaire), l’Allemagne l’est plus. Les Etats-Unis pensent d’abord Asie, Russie, Iran, Moyen-Orient etc… Il faut tenir compte de tout cela, sans narcissisme, ni nostalgie.