Depuis le début de l’année, plus de 2000 migrants sont mort en tentant de franchir la Méditerranée, et des dizaines d’autres ont fait ce voyage périlleux par la mer ou par la route des Balkans. Face à l’afflux de réfugiés, une politique européenne peine à se mettre en place. L’Europe de la solidarité est-elle en panne?
Massimo d’Alema: il est d’abord capital de ne pas mélanger la question des réfugiés avec celle des migrants économiques. D’un côté, il y a des gens qui essaient de sauver leur vie et celle de leur famille. Ils fuient un pays où il y a la guerre, la dictature, la torture. Ils ont le droit d’être accueillis et doivent être protégés. De l’autre, des personnes viennent en Europe pour chercher un emploi: ce sont des flux migratoires que chaque Etat doit maîtriser. Sur la question de l’asile, nous sommes face à une situation d’urgence: la guerre civile en Libye, la situation en Syrie, l’Irak, Daech… nous devons pouvoir y répondre, d’autant que nous sommes en réalité peu affectés: seul un petit nombre de réfugiés essaie de rejoindre l’Europe. Sans parler de la Jordanie et d’autres pays voisins, que nous devrions d’avantage soutenir, le Liban, qui compte 6 millions d’habitants, a ainsi accueilli plus de 1.5 million de réfugiés syriens! ce qui est frappant, c’est qu’un continent riche de 500 millions d’habitants semble incapable de régler le problème de quelques dizaines de milliers de réfugiés. Le Conseil Européen s’est arrêté parce qu’on proposait la répartition de 40 000 personnes! Au-delà d’un problème de solidarité, c’est le signe d’une véritable crie de leadership politique en Europe.
Hubert Védrine: sur l’asile, le statu quo n’est plus tenable. Une vraie grande initiative des pays de Schengen devient urgente, comme y ont appelé Mme Merkel et François Hollande. Mais il ne s’agit pas non plus de provoquer les populations européennes par déni des inquiétudes populaires et arrogantes moralisatrices. Vu l’état de l’Europe, la réponse ne peut pas être purement solidaire: une majorité de l’opinion paniquerait et considérerait qu’on ne fait qu’alimenter la pompe.
Avec la montée du terrorisme islamiste, comment répondre à l’inquiétude sécuritaire?
H. Védrine : d’abord, en vérifiant que les pays de l’espace Schengen sont capables de gérer leurs frontières extérieures, avec une sorte de «stress test», un peu comme on l’a fait avec les banques après la crise. Ensuite, en harmonisant les critères d’asile au sein de Schengen, ce qui suppose d’adapter des législations nationales et de trouver des mécanismes équitables de répartition. Oublions le terme de «quota», puisque ça pose problème à la France, mais ça y ressemblera forcément. Il n’y a aucune raison pour que la gestion des demandeurs d’asile retombe uniquement sur les pays où ils débarquent en premier. Une partie de la politique européenne d’asile devra également comporter un volet d’assistance aux pays voisins et de premier refuge, puisque les pays qui accueillent proportionnellement le plus de réfugiés sont le Pakistan, la Turquie ou la Jordanie…
M. d’Alema: comme l’Allemagne, je pense nécessaire d’aller au-delà des accords de Dublin, qui impliquent le renvoi des réfugiés vers le pays d’entrée. Mais je suis d’accord pour améliorer le contrôle des frontières. L’Italie a assisté les réfugiés et sauvé des vies avec la mission Mare Nostrum, c’est très bien. Mais il n’y a pas de vérifications d’identité et de prise d’empreintes systématiques à l’arrivée, donc pas de garantie sur le statut de ce personnes. C’est pour cela que certains Etats ont suspendu l’accord de Schengen sur la libre circulation. Il faut pourtant accepter l’idée que la frontière de l’Italie, ou de la Grèce, n’est pas seulement al frontière d’un pays, mais la frontière de l’Union européenne! La responsabilité des contrôles doit donc être partagée. A cet égard, l’hypothèse d’une police européenne des frontières me semble positive. C’est aussi la raison pour laquelle je pense qu’on aurait tout intérêt à avoir une présence européenne au-delà de la Méditerranée pour faire sur place la sélection des demandeurs d’asile, avec l’aide des Nations Unies. On pourrait ensuite assurer leur transport en Europe. C’est la façon la plus efficace de lutter contre les trafiquants. Ce serait un système rationnel, humain, et finalement moins coûteux que les missions de surveillance des frontières actuelles.
H. Védrine: il faudra assumer le coût des deux, mais n’oublions pas que les opinions publiques en Europe ont le sentiment qu’on ne contrôle rien, que la mondialisation est une vaste jungle, que tous les discours sur la régulation, c’est du vent, notamment en matière migratoire. Pour que les gens redeviennent réceptifs à des arguments rationnels, il est très important de repréciser la différence entre les demandeurs d’asile, persécutés et en danger, et le migrants économiques. L’immigration n’est ni automatiquement une «chance» ni une catastrophe. Elle peut être une réussite si elle est bien gérée, sur une base économique, par métiers par exemple. Je propose qu’on explore la possibilité d’une cogestion assumée entre les pays de départ, les pays de transit et les pays d’arrivée. Cela pourrait prendre la forme d’une conférence annuelle ou bisannuelle, qui regrouperait des ensembles cohérents, par exemple les pays d’Afrique de l’Ouest, certains pays du Moyen-Orient, le Maghreb, comme zone de transit, et l’Europe.
Concrètement, vous appelez à une forme d’»immigration choisie», en fonction de nos besoins?
H. Védrine: de nos besoins, certes, mais aussi de notre capacité à accueillir les gens dans des conditions correctes. Ce n’est pas la peine d’invoquer la charité chrétienne pour que ces gens courageux finissent dealers en Seine-Saint-Denis! Si l’on veut «déshystériser» ce débat, il faut être pragmatique.
M. d’Alema: avant tout, je pense qu’il faut revenir à la réalité des chiffres qui sont très différents de la perception qu’en ont les citoyens. Prenez l’immigration nette, c’est-à-dire le solde entre ceux qui arrivent et ceux qui partent. En Europe, elle ne cesse de se réduire: 700000 en 2011, 600000 en 2012, 539000 en 2013… alors que les citoyens se sentent de plus en plus envahis. Nous avons en Europe 33 millions d’habitants qui sont nés en dehors de l’Union Européenne. C’est seulement 7% de la population. Au Canada, ils sont 20%; en Suisse, 27%; en Australie, 27%. Chaque année, 200 millions d’êtres humains se déplacent dans le monde, il faut remettre les dimensions du problème en perspective.
H. Védrine: tout cela mérite d’être connu, mais les populations européennes ne sont pas en mesure de l’entendre de la part d’»élites» qu’elles contestent. D’où cette idée de conférence, qui permettrait de créer les conditions d’écoute de ces chiffres, de réaliser qu’économiquement c’est utile, qu’humainement cela se justifie, et que surtout c’est gérable. Mais c’est le point d’arrivée, pas de départ.
M. d’Alema: certes, mais il est aussi important de dire la vérité. Il faut rappeler aux Italiens que les immigrés représentent 11% de notre produit brut, qu’ils paient 20% des pensions de retraite, que, s’ils partent demain ,des secteurs économiques tels que l’agriculture ou certains pans de l’industrie s’écroulent… dans le contexte démographique européen, sans les immigrés, l’Europe perdra 100 millions d’habitants dans les soixante prochaines années, et son système social ne sera plus soutenable. Ceux qui ne croient pas à la solidarité peuvent au moins penser à leur intérêt. Et il faut repousser les réponses idéologiques faciles et dangereuses consistant à dire: il faut accueillir tout le monde, ou: il faut fermer la forteresse chrétienne de l’Europe. Non, il faut accueillir les gens que nous sommes capables d’accueillir et mettre l’accent sur les politiques d’intégration.
H. Védrine: l’argument démographique est dangereux. Ce n’est parce que l’Allemagne est en déclin démographique que les Allemands accepteront que des millions de Turcs viennent en Allemagne! C’est ingérable, sur un plan anthropologique. On n’achète pas du matériel! Pour moi, la réussite des processus d’immigration, et donc d’intégration, dépend des écarts culturels et du rythme d’arrivée. Sur cinq cents ans, ce n’est pas un problème! Et, s’il n’y avait que 10000 demandeurs d’asile dans le monde ou 50000 migrants économiques, on dirait: venez tout de suite! Il faut réintroduire ces notions quantitatives, même si les gens préfèrent s’affronter, surtout en France, sur des principes ou des théories. Il y a des différences faciles à gérer, et d’autres non. On ne peut pas non plus ignorer les affrontements qui ont lieu actuellement au sein de l’Islam et qui nous touchent de façon collatérale.
M. d’Alema: la réponse doit venir de l’islam lui-même. Mais, en Europe, il faut aider les musulmans à s’organiser et à mettre l’accent sur les expériences qui ont été des succès dans des villes comme Rotterdam, Barcelone, Turin, où l’intégration a été pensée; c’est la clé. Si on tombe dans le piège de la guerre de religion, on est perdus.
Massimo d’Alema, lorsque vous étiez premier Ministre, l’Europe a dû résoudre le problème des réfugiés du Kososvo. Pourquoi cela n’avait-il pas créé le même genre de crise politique.
M. d’Alema: à l’époque, on a su organiser ensemble l’accueil de 200000 réfugiés, sans faire de vagues. Mais c’était une autre Europe, une Europe à quinze, avec une communauté de valeurs; et le Conseil européen était formé par onze Premiers ministres socialistes. On était tous amis et on s’est mis d’accord en une nuit, au téléphone. Il n’y a eu aucun boat people, nous avons pris les décisions en amont et envoyé nos propres bateaux, des avions.
Certains spécialistes des questions migratoires appellent à une ouverture pure et simple des frontières…. Y voyez-vous une utopie?
H. Védrine: ce n’est pas une utopie, plutôt le jeu irresponsable d’apprentis sorciers. Massimo, d’ailleurs, l’a dit: les deux hypothèses extrêmes, c’est-à-dire tout ouvrir ou tout fermer, n’ont pas de sens.
M. d’Alema: c’est vrai. Même si, en tant qu’homme de gauche, s’il faut choisir entre les deux, je choisis l’ouverture.
Depuis le début de l’année, plus de 2000 migrants sont mort en tentant de franchir la Méditerranée, et des dizaines d’autres ont fait ce voyage périlleux par la mer ou par la route des Balkans. Face à l’afflux de réfugiés, une politique européenne peine à se mettre en place. L’Europe de la solidarité est-elle en panne?
Massimo d’Alema: il est d’abord capital de ne pas mélanger la question des réfugiés avec celle des migrants économiques. D’un côté, il y a des gens qui essaient de sauver leur vie et celle de leur famille. Ils fuient un pays où il y a la guerre, la dictature, la torture. Ils ont le droit d’être accueillis et doivent être protégés. De l’autre, des personnes viennent en Europe pour chercher un emploi: ce sont des flux migratoires que chaque Etat doit maîtriser. Sur la question de l’asile, nous sommes face à une situation d’urgence: la guerre civile en Libye, la situation en Syrie, l’Irak, Daech… nous devons pouvoir y répondre, d’autant que nous sommes en réalité peu affectés: seul un petit nombre de réfugiés essaie de rejoindre l’Europe. Sans parler de la Jordanie et d’autres pays voisins, que nous devrions d’avantage soutenir, le Liban, qui compte 6 millions d’habitants, a ainsi accueilli plus de 1.5 million de réfugiés syriens! ce qui est frappant, c’est qu’un continent riche de 500 millions d’habitants semble incapable de régler le problème de quelques dizaines de milliers de réfugiés. Le Conseil Européen s’est arrêté parce qu’on proposait la répartition de 40 000 personnes! Au-delà d’un problème de solidarité, c’est le signe d’une véritable crie de leadership politique en Europe.
Hubert Védrine: sur l’asile, le statu quo n’est plus tenable. Une vraie grande initiative des pays de Schengen devient urgente, comme y ont appelé Mme Merkel et François Hollande. Mais il ne s’agit pas non plus de provoquer les populations européennes par déni des inquiétudes populaires et arrogantes moralisatrices. Vu l’état de l’Europe, la réponse ne peut pas être purement solidaire: une majorité de l’opinion paniquerait et considérerait qu’on ne fait qu’alimenter la pompe.
Avec la montée du terrorisme islamiste, comment répondre à l’inquiétude sécuritaire?
H. Védrine : d’abord, en vérifiant que les pays de l’espace Schengen sont capables de gérer leurs frontières extérieures, avec une sorte de «stress test», un peu comme on l’a fait avec les banques après la crise. Ensuite, en harmonisant les critères d’asile au sein de Schengen, ce qui suppose d’adapter des législations nationales et de trouver des mécanismes équitables de répartition. Oublions le terme de «quota», puisque ça pose problème à la France, mais ça y ressemblera forcément. Il n’y a aucune raison pour que la gestion des demandeurs d’asile retombe uniquement sur les pays où ils débarquent en premier. Une partie de la politique européenne d’asile devra également comporter un volet d’assistance aux pays voisins et de premier refuge, puisque les pays qui accueillent proportionnellement le plus de réfugiés sont le Pakistan, la Turquie ou la Jordanie…
M. d’Alema: comme l’Allemagne, je pense nécessaire d’aller au-delà des accords de Dublin, qui impliquent le renvoi des réfugiés vers le pays d’entrée. Mais je suis d’accord pour améliorer le contrôle des frontières. L’Italie a assisté les réfugiés et sauvé des vies avec la mission Mare Nostrum, c’est très bien. Mais il n’y a pas de vérifications d’identité et de prise d’empreintes systématiques à l’arrivée, donc pas de garantie sur le statut de ce personnes. C’est pour cela que certains Etats ont suspendu l’accord de Schengen sur la libre circulation. Il faut pourtant accepter l’idée que la frontière de l’Italie, ou de la Grèce, n’est pas seulement al frontière d’un pays, mais la frontière de l’Union européenne! La responsabilité des contrôles doit donc être partagée. A cet égard, l’hypothèse d’une police européenne des frontières me semble positive. C’est aussi la raison pour laquelle je pense qu’on aurait tout intérêt à avoir une présence européenne au-delà de la Méditerranée pour faire sur place la sélection des demandeurs d’asile, avec l’aide des Nations Unies. On pourrait ensuite assurer leur transport en Europe. C’est la façon la plus efficace de lutter contre les trafiquants. Ce serait un système rationnel, humain, et finalement moins coûteux que les missions de surveillance des frontières actuelles.
H. Védrine: il faudra assumer le coût des deux, mais n’oublions pas que les opinions publiques en Europe ont le sentiment qu’on ne contrôle rien, que la mondialisation est une vaste jungle, que tous les discours sur la régulation, c’est du vent, notamment en matière migratoire. Pour que les gens redeviennent réceptifs à des arguments rationnels, il est très important de repréciser la différence entre les demandeurs d’asile, persécutés et en danger, et le migrants économiques. L’immigration n’est ni automatiquement une «chance» ni une catastrophe. Elle peut être une réussite si elle est bien gérée, sur une base économique, par métiers par exemple. Je propose qu’on explore la possibilité d’une cogestion assumée entre les pays de départ, les pays de transit et les pays d’arrivée. Cela pourrait prendre la forme d’une conférence annuelle ou bisannuelle, qui regrouperait des ensembles cohérents, par exemple les pays d’Afrique de l’Ouest, certains pays du Moyen-Orient, le Maghreb, comme zone de transit, et l’Europe.
Concrètement, vous appelez à une forme d’»immigration choisie», en fonction de nos besoins?
H. Védrine: de nos besoins, certes, mais aussi de notre capacité à accueillir les gens dans des conditions correctes. Ce n’est pas la peine d’invoquer la charité chrétienne pour que ces gens courageux finissent dealers en Seine-Saint-Denis! Si l’on veut «déshystériser» ce débat, il faut être pragmatique.
M. d’Alema: avant tout, je pense qu’il faut revenir à la réalité des chiffres qui sont très différents de la perception qu’en ont les citoyens. Prenez l’immigration nette, c’est-à-dire le solde entre ceux qui arrivent et ceux qui partent. En Europe, elle ne cesse de se réduire: 700000 en 2011, 600000 en 2012, 539000 en 2013… alors que les citoyens se sentent de plus en plus envahis. Nous avons en Europe 33 millions d’habitants qui sont nés en dehors de l’Union Européenne. C’est seulement 7% de la population. Au Canada, ils sont 20%; en Suisse, 27%; en Australie, 27%. Chaque année, 200 millions d’êtres humains se déplacent dans le monde, il faut remettre les dimensions du problème en perspective.
H. Védrine: tout cela mérite d’être connu, mais les populations européennes ne sont pas en mesure de l’entendre de la part d’»élites» qu’elles contestent. D’où cette idée de conférence, qui permettrait de créer les conditions d’écoute de ces chiffres, de réaliser qu’économiquement c’est utile, qu’humainement cela se justifie, et que surtout c’est gérable. Mais c’est le point d’arrivée, pas de départ.
M. d’Alema: certes, mais il est aussi important de dire la vérité. Il faut rappeler aux Italiens que les immigrés représentent 11% de notre produit brut, qu’ils paient 20% des pensions de retraite, que, s’ils partent demain ,des secteurs économiques tels que l’agriculture ou certains pans de l’industrie s’écroulent… dans le contexte démographique européen, sans les immigrés, l’Europe perdra 100 millions d’habitants dans les soixante prochaines années, et son système social ne sera plus soutenable. Ceux qui ne croient pas à la solidarité peuvent au moins penser à leur intérêt. Et il faut repousser les réponses idéologiques faciles et dangereuses consistant à dire: il faut accueillir tout le monde, ou: il faut fermer la forteresse chrétienne de l’Europe. Non, il faut accueillir les gens que nous sommes capables d’accueillir et mettre l’accent sur les politiques d’intégration.
H. Védrine: l’argument démographique est dangereux. Ce n’est parce que l’Allemagne est en déclin démographique que les Allemands accepteront que des millions de Turcs viennent en Allemagne! C’est ingérable, sur un plan anthropologique. On n’achète pas du matériel! Pour moi, la réussite des processus d’immigration, et donc d’intégration, dépend des écarts culturels et du rythme d’arrivée. Sur cinq cents ans, ce n’est pas un problème! Et, s’il n’y avait que 10000 demandeurs d’asile dans le monde ou 50000 migrants économiques, on dirait: venez tout de suite! Il faut réintroduire ces notions quantitatives, même si les gens préfèrent s’affronter, surtout en France, sur des principes ou des théories. Il y a des différences faciles à gérer, et d’autres non. On ne peut pas non plus ignorer les affrontements qui ont lieu actuellement au sein de l’Islam et qui nous touchent de façon collatérale.
M. d’Alema: la réponse doit venir de l’islam lui-même. Mais, en Europe, il faut aider les musulmans à s’organiser et à mettre l’accent sur les expériences qui ont été des succès dans des villes comme Rotterdam, Barcelone, Turin, où l’intégration a été pensée; c’est la clé. Si on tombe dans le piège de la guerre de religion, on est perdus.
Massimo d’Alema, lorsque vous étiez premier Ministre, l’Europe a dû résoudre le problème des réfugiés du Kososvo. Pourquoi cela n’avait-il pas créé le même genre de crise politique.
M. d’Alema: à l’époque, on a su organiser ensemble l’accueil de 200000 réfugiés, sans faire de vagues. Mais c’était une autre Europe, une Europe à quinze, avec une communauté de valeurs; et le Conseil européen était formé par onze Premiers ministres socialistes. On était tous amis et on s’est mis d’accord en une nuit, au téléphone. Il n’y a eu aucun boat people, nous avons pris les décisions en amont et envoyé nos propres bateaux, des avions.
Certains spécialistes des questions migratoires appellent à une ouverture pure et simple des frontières…. Y voyez-vous une utopie?
H. Védrine: ce n’est pas une utopie, plutôt le jeu irresponsable d’apprentis sorciers. Massimo, d’ailleurs, l’a dit: les deux hypothèses extrêmes, c’est-à-dire tout ouvrir ou tout fermer, n’ont pas de sens.
M. d’Alema: c’est vrai. Même si, en tant qu’homme de gauche, s’il faut choisir entre les deux, je choisis l’ouverture.