Déjà avant l’emploi des armes chimiques, la guerre civile syrienne, qui ne se ramène pas à la seule martyrisation d’un peuple par un dictateur, plaçait les occidentaux dans une contradiction infernale. Horrifiés, ils s’avéraient impuissants face aux déjà 100000 morts. Impuissance programmée puisque l’obsession affichée de Barak Obama est de se dégager du bourbier moyen-oriental. Impuissance frustrante car les occidentaux étaient partis du postulat que ce régime allait tomber, comme les régimes tunisien, libyen et égyptien, mais que les insurgés laïques et démocrates qu’ils soutiennent ne parviennent pas à s’imposer sur le terrain face aux insurgés islamistes, qui annoncent le futur massacre des alaouites. Impuissance révoltée enfin quand se il confirme que des centaines de personnes au moins sont mortes de l’emploi de gaz sarin, le 20 août, dans un faubourg stratégique de Damas. Tout en y allant à reculons, sans aucune pression de son opinion, au contraire, Barak Obama, s’était mis cependant par ses déclarations sur les «lignes rouges» dans l’obligation d’agir un jour ou l’autre par la force. La France a été sur la même ligne. Pas pour renverser le régime, ce que regrettent certains, mais pour «punir», «sanctionner», en espérant, sans en être sûr, «dissuader» et même, ébranler assez le régime pour modifier le rapport de forces et la donne politique. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France étaient donc prêts à intervenir sans résolution du conseil de sécurité au titre du chapitre VII, estimant cette intervention, à défaut d’être légale, puisque le conseil est paralysé par les veto russes et chinois, légitimée par l’horreur des faits. Ce qui pourrait faire précédent. La comparaison avec le Kossovo n’est qu’à moitié probante. Le recours aux forces de l’OTAN pour stopper les exactions serbes au Kossovo n’avait pas été prescrit formellement par une résolution du Conseil de Sécurité au titre du chapitre VII, mais nous avions obtenu auparavant deux résolutions chapitre VII (donc sans veto russe) pour condamner les agissements serbes (et, on l’oublie, les provocations de l’UCK kosovare). Il y avait eu 18 mois de négociations du Groupe de Contact des ministres, suivis de la conférence de Rambouillet et de Paris, qui avait achoppé sur l’obstination de Milosevic, ce qui avait permis d’obtenir le soutien de tous les Européens. Enfin l’objectif militaire était plus simple que de «punir» un camp fautif dans une féroce et inextricable guerre civile. On le voit chaque cas est particulier.
Néanmoins, au point où nous en sommes, et quelles que soient les failles de l’argumentation, après de telles annonces, ne rien faire serait adresser un message d’impunité aux utilisateurs possibles de l’arme chimique, et porter un coup terrible à la crédibilité occidentale. Même ceux qui jugent que l’occident s’est exposé imprudemment devraient être sensibles à cet aspect. Mais cela impose tout un accompagnement politique et diplomatique.
Le raisonnement reste le même après la défection de la Grande Bretagne et la décision déconcertante du président Obama de solliciter, alors qu’il n’y est pas obligé, un vote périlleux du Congrès, ce qui contraint la France, très engagée, à attendre le vote du congrès américain, et le président à décider de solliciter, ou non, lui aussi, un vote préalable. Il peut le faire, même si selon la constitution il n’y est pas tenu. Sur le fond le dilemme franco-américain reste inchangé : discrédit si rien ne se passe, risque d’un coup d’épée dans l’eau en cas de frappe, sauf si elles ébranlent le régime.
Si frappe il y a les Américains et les Français, devront démontrer vite au reste du monde, très attentif à cette crise et à son futur dénouement, qu’il ne s’agit pas de l’acte de naissance d’un unilatéralisme franco-américain auto légitimé par des raisons de leadership (Etats-Unis) ou de morale et de surveillance par un seul pays du respect des traités qui interdisent le recours aux armes chimiques (France), mais d’une action exceptionnelle, justifiée par l’horreur particulière des faits, décidée par deux pays qui se veulent l’avant-garde d’une communauté internationale en formation (presque tous les pays du monde ont ratifié le protocole contre l’usage de l’arme chimique), momentanément empêchée.
Si il n’y a pas de frappe, une relance politique réaliste française et européenne s’impose. En fait, c’est vrai dans tous les cas. Tout en aidant plus concrètement la coalition. Dès le G20? Mais solution politique signifie conférence internationale comme John Kerry l’a proposé, avec un régime de Damas (que l’on espère ébranlé) ce que récuse la coalition, avec aussi la Russie – le président Hollande et Laurent Fabius ont déjà essayé de convaincre Poutine qu’une solution politique est dans son intérêt -, et sans exclure l’Iran. Si on y est pas prêt que signifiera le discours sur une solution politique?
Dans tous les cas les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France (les autres occidentaux sont en général non interventionnistes) devront clarifier leur politique: légalité internationale stricte (comme au Koweït en 1991, en Libye en 2012, au Mali en 2013). Ou pensent-ils, pensons-nous, sous l’inspiration des néo-conservateurs et des «faucons libéraux» que nous sommes assez légitimes pour nous en passer, quand nous le décidons? Là, et maintenant, en Syrie, sauf renoncement américain qui aurait de profondes répercussions, nous ne pouvons plus rester sans réaction. Mais à l’avenir, avec la fin du monopole occidental, la puissance croissante des émergents/ émergés, la montée des autres, etc – ce ne sera plus tenable. Nous devrons donc reconstruire, avec tous, un ordre international à la place de celui, bringuebalant, dont nous estimons avoir le droit et le devoir aujourd’hui, de nous affranchir.
Déjà avant l’emploi des armes chimiques, la guerre civile syrienne, qui ne se ramène pas à la seule martyrisation d’un peuple par un dictateur, plaçait les occidentaux dans une contradiction infernale. Horrifiés, ils s’avéraient impuissants face aux déjà 100000 morts. Impuissance programmée puisque l’obsession affichée de Barak Obama est de se dégager du bourbier moyen-oriental. Impuissance frustrante car les occidentaux étaient partis du postulat que ce régime allait tomber, comme les régimes tunisien, libyen et égyptien, mais que les insurgés laïques et démocrates qu’ils soutiennent ne parviennent pas à s’imposer sur le terrain face aux insurgés islamistes, qui annoncent le futur massacre des alaouites. Impuissance révoltée enfin quand se il confirme que des centaines de personnes au moins sont mortes de l’emploi de gaz sarin, le 20 août, dans un faubourg stratégique de Damas. Tout en y allant à reculons, sans aucune pression de son opinion, au contraire, Barak Obama, s’était mis cependant par ses déclarations sur les «lignes rouges» dans l’obligation d’agir un jour ou l’autre par la force. La France a été sur la même ligne. Pas pour renverser le régime, ce que regrettent certains, mais pour «punir», «sanctionner», en espérant, sans en être sûr, «dissuader» et même, ébranler assez le régime pour modifier le rapport de forces et la donne politique. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France étaient donc prêts à intervenir sans résolution du conseil de sécurité au titre du chapitre VII, estimant cette intervention, à défaut d’être légale, puisque le conseil est paralysé par les veto russes et chinois, légitimée par l’horreur des faits. Ce qui pourrait faire précédent. La comparaison avec le Kossovo n’est qu’à moitié probante. Le recours aux forces de l’OTAN pour stopper les exactions serbes au Kossovo n’avait pas été prescrit formellement par une résolution du Conseil de Sécurité au titre du chapitre VII, mais nous avions obtenu auparavant deux résolutions chapitre VII (donc sans veto russe) pour condamner les agissements serbes (et, on l’oublie, les provocations de l’UCK kosovare). Il y avait eu 18 mois de négociations du Groupe de Contact des ministres, suivis de la conférence de Rambouillet et de Paris, qui avait achoppé sur l’obstination de Milosevic, ce qui avait permis d’obtenir le soutien de tous les Européens. Enfin l’objectif militaire était plus simple que de «punir» un camp fautif dans une féroce et inextricable guerre civile. On le voit chaque cas est particulier.
Néanmoins, au point où nous en sommes, et quelles que soient les failles de l’argumentation, après de telles annonces, ne rien faire serait adresser un message d’impunité aux utilisateurs possibles de l’arme chimique, et porter un coup terrible à la crédibilité occidentale. Même ceux qui jugent que l’occident s’est exposé imprudemment devraient être sensibles à cet aspect. Mais cela impose tout un accompagnement politique et diplomatique.
Le raisonnement reste le même après la défection de la Grande Bretagne et la décision déconcertante du président Obama de solliciter, alors qu’il n’y est pas obligé, un vote périlleux du Congrès, ce qui contraint la France, très engagée, à attendre le vote du congrès américain, et le président à décider de solliciter, ou non, lui aussi, un vote préalable. Il peut le faire, même si selon la constitution il n’y est pas tenu. Sur le fond le dilemme franco-américain reste inchangé : discrédit si rien ne se passe, risque d’un coup d’épée dans l’eau en cas de frappe, sauf si elles ébranlent le régime.
Si frappe il y a les Américains et les Français, devront démontrer vite au reste du monde, très attentif à cette crise et à son futur dénouement, qu’il ne s’agit pas de l’acte de naissance d’un unilatéralisme franco-américain auto légitimé par des raisons de leadership (Etats-Unis) ou de morale et de surveillance par un seul pays du respect des traités qui interdisent le recours aux armes chimiques (France), mais d’une action exceptionnelle, justifiée par l’horreur particulière des faits, décidée par deux pays qui se veulent l’avant-garde d’une communauté internationale en formation (presque tous les pays du monde ont ratifié le protocole contre l’usage de l’arme chimique), momentanément empêchée.
Si il n’y a pas de frappe, une relance politique réaliste française et européenne s’impose. En fait, c’est vrai dans tous les cas. Tout en aidant plus concrètement la coalition. Dès le G20? Mais solution politique signifie conférence internationale comme John Kerry l’a proposé, avec un régime de Damas (que l’on espère ébranlé) ce que récuse la coalition, avec aussi la Russie – le président Hollande et Laurent Fabius ont déjà essayé de convaincre Poutine qu’une solution politique est dans son intérêt -, et sans exclure l’Iran. Si on y est pas prêt que signifiera le discours sur une solution politique?
Dans tous les cas les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France (les autres occidentaux sont en général non interventionnistes) devront clarifier leur politique: légalité internationale stricte (comme au Koweït en 1991, en Libye en 2012, au Mali en 2013). Ou pensent-ils, pensons-nous, sous l’inspiration des néo-conservateurs et des «faucons libéraux» que nous sommes assez légitimes pour nous en passer, quand nous le décidons? Là, et maintenant, en Syrie, sauf renoncement américain qui aurait de profondes répercussions, nous ne pouvons plus rester sans réaction. Mais à l’avenir, avec la fin du monopole occidental, la puissance croissante des émergents/ émergés, la montée des autres, etc – ce ne sera plus tenable. Nous devrons donc reconstruire, avec tous, un ordre international à la place de celui, bringuebalant, dont nous estimons avoir le droit et le devoir aujourd’hui, de nous affranchir.