Les flux migratoires sont de plus en plus denses. Ce phénomène est-il possible à endiguer?
Il faut s’attendre à ce que les flux migratoires augmentent régulièrement. D’abord parce que les déplacements sont de plus en plus faciles et incontrôlables. Ensuite, parce que beaucoup d’Etats ont intérêt à laisser partir une partie de leur population demandeuse d’emplois. Enfin, parce que les disparités sont telles dans le monde en matière d’emploi, de protection sociale, de respects des droits élémentaires, que quantité de gens pensent qu’ils vivront mieux ailleurs, et d’abord en Europe. Ces phénomènes-là ne peuvent être ni réduits ni stabilisés. Ils s’observent partout particulièrement dans certaines parties du monde, là où sont en contact des populations très pauvres et des régions riches et développées. Voilà pour le constat: chaque année, 3% de la population mondiale bouge, ces 3% s’additionnant au fil des années; les migrations concernent donc un nombre considérable de personnes. L’humanité est plus mobile qu’elle ne l’a jamais été et le sera davantage encore demain. Cela peut être organisé, pas empêché.
Face à cet état de fait, que faire? Peut-on abandonner les positions défensives et organiser les conditions d’une liberté de circulation?
Je vous réponds sur ce sujet comme je vous répondrais sur la finance : il faut réguler. Je ne suis pas plus séduit par l’utopie d’un monde dans lequel les déplacements des hommes seraient totalement libres, car cela entrainerait des affrontements sans fin, que par la réalité d’un monde dans lequel les capitaux circulent sans règles. Et j’observe que selon que les gens sont de droite ou de gauche, ils sont pour la libre circulation des capitaux mais pas des êtres humains, ou l’inverse. Moi, je suis pour la régulation des deux.
Est-ce que cette régulation peut se penser au niveau mondial ou reste-t-elle l’apanage des États?
Que serait le «niveau mondial»? Il n’y a pas de puissance au-dessus des Etats. Il existe quelques principes de Droit, des résolutions de l’ONU, mais qui ne valent rien en dehors de leur mise en pratique par les États. Il n’y a pas de puissance mondiale ni de président mondial, quoiqu’en ait rêvé certains, au-dessus des États. Il y a des enceintes. L’ONU est un lieu qui a l’immense mérite de permettre le dialogue tous les pays, et où ils peuvent coopérer, se concerter (ou se disputer). Mais «l’ONU» ne saurait en aucun cas exercer une régulation des flux migratoires. Cela doit être fait par les États concernés.
Quelle sorte de régulation pourrait alors être négociée?
A mon avis, ces règles ne peuvent s’élaborer qu’au sein d’ensembles de pays qui partagent une relation d’indépendance migratoire, par exemple le nord et le sud de la Méditerranée, ou bien l’Amérique de part et d’autre du Rio Grande, ou bien l’Afrique du Sud (pays d’immigration) et les autres pays africains, ou encore en Asie, autour de l’Australie, etc. En pratique, entre l’Europe, censée avoir une politique commune, et les pays d’où partent majoritairement les migrants vers l’Europe (Afrique du Nord, Turquie, Afrique sub-saharienne, etc), on pourrait imaginer une concertation régulière. Tous les deux ans par exemple, les gouvernements concernés pourraient discuter afin d’adapter l’ouverture des frontières en fonction des capacités d’accueil et des besoins du marché du travail, sur telle ou telle qualification, tel ou tel métier. Les Européens, de plus en plus sensibles à la cohésion des sociétés, mettront aussi en avant les critères de capacités d’adaptation (pratique de la langue, modes de vie). Il ne s’agirait ni d’ouverture ni de fermeture systématiques mais plutôt d’un thermostat qui serait réglé en fonction des circonstances.
Il faut essayer de sortir de cet affrontement pénible et sans issue entre les pays du Sud qui revendiquent une sorte de libre accès – sous la pression de sa jeunesse au chômage – et les pays du Nord qui sont paniqués tandis que l’extrême-droite monte partout.
Où placez-vous dans ce dispositif le droit d’asile?
C’est différent des flux migratoires dont nous parlons. Le droit d’asile existe, son cadre juridique est clair, la jurisprudence qui le protège est très forte. Il concerne et protège les gens qui sont persécutés chez eux, pour des raisons politiques, ethniques, religieuses, sexuelles etc. Certains voudraient élargir le droit d’asile aux raisons économiques, mais c’est impossible : car si l’asile devait être accordé à tous ceux qui vivent plus mal qu’en Europe, 6 milliards de personnes seraient fondées à l’obtenir. Autrement dit, ce serait le meilleur moyen de tuer le droit d’asile. N’oublions pas que le mieux est l’ennemi du bien.
Les flux migratoires sont de plus en plus denses. Ce phénomène est-il possible à endiguer?
Il faut s’attendre à ce que les flux migratoires augmentent régulièrement. D’abord parce que les déplacements sont de plus en plus faciles et incontrôlables. Ensuite, parce que beaucoup d’Etats ont intérêt à laisser partir une partie de leur population demandeuse d’emplois. Enfin, parce que les disparités sont telles dans le monde en matière d’emploi, de protection sociale, de respects des droits élémentaires, que quantité de gens pensent qu’ils vivront mieux ailleurs, et d’abord en Europe. Ces phénomènes-là ne peuvent être ni réduits ni stabilisés. Ils s’observent partout particulièrement dans certaines parties du monde, là où sont en contact des populations très pauvres et des régions riches et développées. Voilà pour le constat: chaque année, 3% de la population mondiale bouge, ces 3% s’additionnant au fil des années; les migrations concernent donc un nombre considérable de personnes. L’humanité est plus mobile qu’elle ne l’a jamais été et le sera davantage encore demain. Cela peut être organisé, pas empêché.
Face à cet état de fait, que faire? Peut-on abandonner les positions défensives et organiser les conditions d’une liberté de circulation?
Je vous réponds sur ce sujet comme je vous répondrais sur la finance : il faut réguler. Je ne suis pas plus séduit par l’utopie d’un monde dans lequel les déplacements des hommes seraient totalement libres, car cela entrainerait des affrontements sans fin, que par la réalité d’un monde dans lequel les capitaux circulent sans règles. Et j’observe que selon que les gens sont de droite ou de gauche, ils sont pour la libre circulation des capitaux mais pas des êtres humains, ou l’inverse. Moi, je suis pour la régulation des deux.
Est-ce que cette régulation peut se penser au niveau mondial ou reste-t-elle l’apanage des États?
Que serait le «niveau mondial»? Il n’y a pas de puissance au-dessus des Etats. Il existe quelques principes de Droit, des résolutions de l’ONU, mais qui ne valent rien en dehors de leur mise en pratique par les États. Il n’y a pas de puissance mondiale ni de président mondial, quoiqu’en ait rêvé certains, au-dessus des États. Il y a des enceintes. L’ONU est un lieu qui a l’immense mérite de permettre le dialogue tous les pays, et où ils peuvent coopérer, se concerter (ou se disputer). Mais «l’ONU» ne saurait en aucun cas exercer une régulation des flux migratoires. Cela doit être fait par les États concernés.
Quelle sorte de régulation pourrait alors être négociée?
A mon avis, ces règles ne peuvent s’élaborer qu’au sein d’ensembles de pays qui partagent une relation d’indépendance migratoire, par exemple le nord et le sud de la Méditerranée, ou bien l’Amérique de part et d’autre du Rio Grande, ou bien l’Afrique du Sud (pays d’immigration) et les autres pays africains, ou encore en Asie, autour de l’Australie, etc. En pratique, entre l’Europe, censée avoir une politique commune, et les pays d’où partent majoritairement les migrants vers l’Europe (Afrique du Nord, Turquie, Afrique sub-saharienne, etc), on pourrait imaginer une concertation régulière. Tous les deux ans par exemple, les gouvernements concernés pourraient discuter afin d’adapter l’ouverture des frontières en fonction des capacités d’accueil et des besoins du marché du travail, sur telle ou telle qualification, tel ou tel métier. Les Européens, de plus en plus sensibles à la cohésion des sociétés, mettront aussi en avant les critères de capacités d’adaptation (pratique de la langue, modes de vie). Il ne s’agirait ni d’ouverture ni de fermeture systématiques mais plutôt d’un thermostat qui serait réglé en fonction des circonstances.
Il faut essayer de sortir de cet affrontement pénible et sans issue entre les pays du Sud qui revendiquent une sorte de libre accès – sous la pression de sa jeunesse au chômage – et les pays du Nord qui sont paniqués tandis que l’extrême-droite monte partout.
Où placez-vous dans ce dispositif le droit d’asile?
C’est différent des flux migratoires dont nous parlons. Le droit d’asile existe, son cadre juridique est clair, la jurisprudence qui le protège est très forte. Il concerne et protège les gens qui sont persécutés chez eux, pour des raisons politiques, ethniques, religieuses, sexuelles etc. Certains voudraient élargir le droit d’asile aux raisons économiques, mais c’est impossible : car si l’asile devait être accordé à tous ceux qui vivent plus mal qu’en Europe, 6 milliards de personnes seraient fondées à l’obtenir. Autrement dit, ce serait le meilleur moyen de tuer le droit d’asile. N’oublions pas que le mieux est l’ennemi du bien.