Quel symbole plus évident de la mondialisation que nous vivons, beaucoup plus bouleversante que celles qui ont précédé, et qui reconfigure le globe sous nos yeux depuis quelques vingt cinq ans, qu’un porte-conteneur?
Porte-conteneurs géants, conteneurs de plus en plus grands, ports immenses, en proportion de cette explosion des échanges de marchandises et de cette émergence de l’Asie qui redessinent une nouvelle géographie économique, sociale, politique et tout simplement humaine.
Il faut comprendre que pour la plus grande majorité des peuples et des pays qui n’ont rien à y perdre, ou, en tout cas beaucoup à y gagner, la mondialisation/globalisation éveille des espoirs plus que des craintes. Cette extension au monde global de l’économie de marché fait rêver, à la sortie de la pauvreté, à des enrichissements. Bien sûr elle redistribue brutalement les cartes et aggrave les inégalités mais certains peuples autrefois «sous-développés», dits par euphémisme «en développement», finissent par émerger pour de bon et entrent de plein pied dans le grand jeu politique et économique en produisant, beaucoup moins cher que dans les pays développés, ce que transportent ces porte-conteneurs sur toutes les mers du globe. C’est éclatant dans le cas de l’Asie.
A l’autre bout, combien d’emplois éliminés en Europe par cette mise en concurrence entre nos sociétés à acquis sociaux élevés durement conquis, et celles qui vivent comme au temps de Zola ou de Dickens? Mais aussi combien d’emplois crées chez tous grâce aux exportations? Même si elles redoutent la remise en cause de nos acquis sociaux, nos sociétés ne peuvent pas se refermer car elles ont trop besoin de consommer et d’exporter. Être «pour» ou «contre» la mondialisation ne change rien. C’est un fait technique (transports, communications) avant même d’être politique. Vouloir une «autre» mondialisation est légitime, encore faut-il savoir quelles règles on veut changer, et trouver des alliés pour cela. En réalité, aucun pays, pas même les Etats-Unis qui ont été le moteur principal et l’initiateur de la mondialisation, ne s’ouvre entièrement. Aucun pays, pas même la caricaturale Corée du Nord ne se ferme totalement: elle-même va créer des «zones économiques spéciales». Beaucoup de pays exploitent avec succès des «niches».
La bonne solution réside à l’évidence dans une combinaison de politiques, consistant à la fois à profiter de la mondialisation; à se réformer et à s’adapter pour en profiter mieux; à s’en protéger dans les secteurs où c’est nécessaire; enfin à essayer d’imposer de meilleures règles avec les autres pays d’accord pour «réguler» les excès de la mondialisation. Aux politiques de trouver ensuite la bonne combinaison à la fois convaincante et efficace entre ces diverses attitudes aussi bien au niveau national qu’européen. Tout cela dans le contexte d’une conversion écologique de nos système de production, de transports et de mode de vie qui va nous mobiliser pendant vingt à trente ans et donner naissance à «une croissance écologique», ce dont tout tour du monde maritime rappelle l’urgence et la criante nécessité.
Hubert Védrine
Quel symbole plus évident de la mondialisation que nous vivons, beaucoup plus bouleversante que celles qui ont précédé, et qui reconfigure le globe sous nos yeux depuis quelques vingt cinq ans, qu’un porte-conteneur?
Porte-conteneurs géants, conteneurs de plus en plus grands, ports immenses, en proportion de cette explosion des échanges de marchandises et de cette émergence de l’Asie qui redessinent une nouvelle géographie économique, sociale, politique et tout simplement humaine.
Il faut comprendre que pour la plus grande majorité des peuples et des pays qui n’ont rien à y perdre, ou, en tout cas beaucoup à y gagner, la mondialisation/globalisation éveille des espoirs plus que des craintes. Cette extension au monde global de l’économie de marché fait rêver, à la sortie de la pauvreté, à des enrichissements. Bien sûr elle redistribue brutalement les cartes et aggrave les inégalités mais certains peuples autrefois «sous-développés», dits par euphémisme «en développement», finissent par émerger pour de bon et entrent de plein pied dans le grand jeu politique et économique en produisant, beaucoup moins cher que dans les pays développés, ce que transportent ces porte-conteneurs sur toutes les mers du globe. C’est éclatant dans le cas de l’Asie.
A l’autre bout, combien d’emplois éliminés en Europe par cette mise en concurrence entre nos sociétés à acquis sociaux élevés durement conquis, et celles qui vivent comme au temps de Zola ou de Dickens? Mais aussi combien d’emplois crées chez tous grâce aux exportations? Même si elles redoutent la remise en cause de nos acquis sociaux, nos sociétés ne peuvent pas se refermer car elles ont trop besoin de consommer et d’exporter. Être «pour» ou «contre» la mondialisation ne change rien. C’est un fait technique (transports, communications) avant même d’être politique. Vouloir une «autre» mondialisation est légitime, encore faut-il savoir quelles règles on veut changer, et trouver des alliés pour cela. En réalité, aucun pays, pas même les Etats-Unis qui ont été le moteur principal et l’initiateur de la mondialisation, ne s’ouvre entièrement. Aucun pays, pas même la caricaturale Corée du Nord ne se ferme totalement: elle-même va créer des «zones économiques spéciales». Beaucoup de pays exploitent avec succès des «niches».
La bonne solution réside à l’évidence dans une combinaison de politiques, consistant à la fois à profiter de la mondialisation; à se réformer et à s’adapter pour en profiter mieux; à s’en protéger dans les secteurs où c’est nécessaire; enfin à essayer d’imposer de meilleures règles avec les autres pays d’accord pour «réguler» les excès de la mondialisation. Aux politiques de trouver ensuite la bonne combinaison à la fois convaincante et efficace entre ces diverses attitudes aussi bien au niveau national qu’européen. Tout cela dans le contexte d’une conversion écologique de nos système de production, de transports et de mode de vie qui va nous mobiliser pendant vingt à trente ans et donner naissance à «une croissance écologique», ce dont tout tour du monde maritime rappelle l’urgence et la criante nécessité.
Hubert Védrine