Le Figaro: Le projet de traité constitutionnel vous parait-il équilibré?
Hubert Védrine: Valéry Giscard d’Estaing, avec un talent remarquable, a obtenu de la Convention le meilleur résultat possible dans le contexte européen à vingt cinq. L’équilibre entre des éléments de fédéralisme raisonnable et des méthodes modernes de coopération intergouvernementale est bon. Souhaitons que l’esprit de ce texte soit préservé par la Conférence intergouvernementale (CIG), ce qui n’exclut pas certaines améliorations et précisions, pourvu qu’elles ne modifient pas l’harmonie de l’ensemble.
Ces améliorations vous les verriez où?
Comme la diplomatie française le souhaite, sur les rapports entre la nouvelle présidence et le futur ministre des affaires étrangères de l’Union, la gouvernance économique, l’harmonisation fiscale… Mais il faut travailler à la marge car, si on rouvre la négociation à vingt cinq, on en reviendra quasi mathématiquement – au mieux – au résultat obtenu à Nice, en décembre 2000, résultat nettement inférieur au projet de la Convention.
Ce projet est-il vraiment apte à faire fonctionner une Europe à 25?
Mieux que Nice en tout cas. Il perfectionne et clarifie les rapports entre la Commission, le Parlement et les Etats-membres. Mais il ne règle pas – ce n’est pas la vocation d’un traité constitutionnel – la question du contenu des politiques. Celui-ci ne peut pas être défini à l’avance, il dépend du rapport de forces en Europe. Le projet Giscard est donc un cadre pour l’Europe élargie et une bonne règle du jeu, mais pas plus.
Vous avez parlé de «méthodes modernes» de coopération intergouvernementale moderne. Qu’entendez-vous par là?
Certains font souvent par dogme une présentation négative du travail intergouvernemental, par opposition au travail de la Commission, comme s’il s’agissait d’un jeu obsolète de décisions nationales non coordonnées. En réalité, le travail intergouvernemental passe aujourd’hui par un dialogue constant entre Etats membres sur la base de références de plus en plus communes et il fait aussi partie des méthodes communautaires. Il est devenu difficile à un gouvernement de prendre tout seul dans son coin des décisions différentes de ses voisins. Quelque chose se crée ainsi à travers une discipline collective, et qui restera un des moteurs de l’Europe.
N’êtes-vous pas en contradiction avec vous-même quand, d’un coté, vous défendez la coopération intergouvernementale et quand, de l’autre, vous critiquez dans votre dernier livre (1) une Europe certes «bien intentionnée», mais «évanescente» et «bavarde»?
Cette formule ne s’applique pas à l’ensemble de la construction européenne, mais à cette vision du monde irénique ou angélique de ces Européens qui voudraient vivre dans un monde post-tragique régi par le droit et la société civile internationale. Malheureusement ce n’est pas encore le cas!
Dans la préface de mon livre je parle des illusions qui ont saisi le monde après la chute de Berlin et l’effondrement de l’URSS. Pendant une dizaine d’années, les Occidentaux y compris les Européens ont cru que les tragédies étaient terminées et que le monde allait s’unifier pacifiquement autour des mêmes valeurs… les nôtres évidemment! Ce sont de belles aspirations mais en fait le monde actuel ne constitue pas encore une «communauté» tant les oppositions de conceptions ou d’intérêts y sont profondes et c’est pourquoi j’ai écrit que l’Europe avait pris ses désirs pour des réalités.
Le passage à la majorité qualifiée permettrait-il, à votre avis, de sortir de cet angélisme?
Non. A peu près comme Gribouille se protège de la pluie en se mettant dans l’étang! Là encore, les travaux de la Convention me satisfont. Si nous passions aujourd’hui au vote à la majorité en politique étrangère, nous aurions une Europe atlantiste et/ou pacifiste. Les hostilités de nos opinions à la guerre en Irak ont davantage exprimé le rejet de l’emploi de la force qu’un désir d’Europe-puissance. L’extension du vote à la majorité en politique étrangère ne ferait pas naître l’Europe de nos voeux. Un travail politique reste à faire. Il faut progresser par d’autres chemins.
Lesquels?
Je plaide pour que les Européens osent aborder frontalement leurs divergences sur l’idée même d’Europe-puissance: les atlantistes la trouvent dangereuse car elle divise l’Occident; les pacifistes rejettent l’idée de puissance; d’autres Etats membres craignent un leadership France-Allemagne-Angleterre. Pour répondre à ces craintes, il faut ouvrir la discussion, provoquer une controverse créatrice sur la place de l’Europe dans le monde et ses rapports avec les Etats Unis. Ayons cette audace, d’autant que nous ne manquerons pas d’arguments! Sans véritable accord politique sur les objectifs, la création d’un poste de ministre des affaires étrangères de l’Union ne fera pas disparaître par magie ces désaccords.
Je ne crois pas à la viabilité des formules trop rigides de «noyau dur» ou d’«avant-garde» autoproclamées, mais comme Jacques Delors je rappelle que l’Europe a toujours progressé grâce à la différenciation. Ce sera la «géométrie variable», dans le cadre des traités ou en dehors. A nous d’être présents dans toutes les combinaisons novatrices jusqu’à ce que l’on constate qu’une avant-garde s’est dégagée de facto. La proclamer trop tôt, ce serait la tuer du fait de la réaction de l’ensemble de ceux qui seraient dans l’»arrière garde»! La constater après quelques années, c’est autre chose…
Une politique étrangère commune pourrait-elle faire naître des contraintes semblables à celles auxquelles la France se heurte dans le domaine économique?
Non, pour moi ce n’est pas comparable. Dans le domaine monétaire, nous sommes mieux protégés que si nous avions gardé nos monnaies nationales. Sur le plan économique, la logique serait d’aller beaucoup plus loin dans l’harmonisation des politiques, y compris fiscales. Quant au pacte de stabilité et de croissance, à condition d’être interprété sans rigidité – la France n’est pas seule à le demander – et adapté collectivement, il ne devrait pas être une contrainte mais une règle du jeu. Nous devrions, à l’américaine, pouvoir aller en temps de crise ou pour préparer l’avenir, jusqu’à 5% de déficit puis être capables de redescendre, en temps de vaches grasses, à zéro. Bref ce sont des contraintes utiles. En revanche, en politique étrangère à la majorité qualifiée la France serait pour le moment battue sur plusieurs sujets importants, et je ne pense pas uniquement à l’Europe-puissance! Sans l’insistance française, il n’y aurait jamais eu dans le passé d’accords de Lomé, de processus euro-méditerranéen de Barcelone, de position claire sur le Proche Orient … Et je ne parle même pas de la crise irakienne! Donc, la France n’a pas à se dépouiller pour l’exemple, sauf à vouloir attiser encore l’euro-découragement mais au contraire à utiliser ses atouts…
Sentez-vous un climat d’eurodécouragement en ce moment?
Oui, bien sûr, surtout en France où nous vivons une sorte de coup de cafard qui découle de la prise de conscience tardive de la réalité inéluctable de l’élargissement et de la métamorphose de l’Europe. On réalise seulement maintenant que l’Europe ce n’est plus seulement notre petite Europe, que l’Europe élargie n’est pas la France en plus grand, qu’il faut négocier sans cesse avec d’autres, de plus en plus nombreux, et accepter compromis sur compromis. Les Français qui, pendant des années, ont cru que l’Europe-puissance allait de soi, s’aperçoivent du contraire, d’où une sorte de découragement devant cette Europe qui ne se construit plus «à la française». Mais si on avait parlé de l’Europe d’une façon plus réaliste, sans propagande et pas comme des moulins à prières, et en écoutant plus ce disaient les fameux «gens», l’opinion aurait moins décroché. On n’impose pas l’Europe aux peuples comme on gave une oie. Les propagandistes de l’Union ont adopté un ton qui est en partie responsable du décrochage constaté aujourd’hui. Pourtant l’avertissement de Maastricht avait été clair.
L’Europe peut-elle être encore un levier pour la France?
Il y a encore beaucoup de choses que la France peut faire par elle-même, avec ses propres moyens d’influence. Mais, le plus souvent, elle a intérêt à agir dans le cadre européen: elle ne peut pas réglementer toute seule, par exemple, les transports maritimes. Il y aussi des domaines où la France, loin de perdre de sa souveraineté en agissant avec ses partenaires européens, en a retrouvé: je pense à l’euro, notamment. Il faut continuer à avancer par addition plutôt que par soustraction. Les courants de pensées fondés sur la haine ou le rejet de soi, comme certains Allemands envers l’Allemagne, font maintenant plus de mal que de bien à l’idée européenne. La construction européenne ne doit pas être destructrice des identités, sinon le fossé entre les élites et la grande majorité du corps électoral, voir le premier tour de la présidentielle, va devenir un abîme.
Etes-vous pour ou contre un referendum sur la constitution?
Les deux tiers des 25 pays concernés on dit qu’ils voulaient rouvrir la discussion à l’occasion de la CIG: le détricotage complet du projet Giscard est une menace réelle. Mais si on demande à ces pays de présenter une alternative concrète, ils en seront incapables car ils ne sont pas d’accord entre eux. J’espère que la CIG sera pilotée avec autant de maestria que la Convention, que les pays contestataires seront mis au pied du mur et que le compromis déjà atteint l’emportera finalement.
C’est à ce moment là qu’il faudra s’engager à fond dans la campagne de ratification par référendum. Car il faudra un référendum. Je ne vois pas comment on peut convoquer les Corses pour réviser le statut départemental de leur île et ne pas demander aux Français ce qu’ils pensent d’un texte qui change fondamentalement la situation de la France en tant qu’État souverain dans l’Europe élargie! On ne peut pas, d’un coté, déplorer le pseudo déficit démocratique européen et, de l’autre, avoir peur de l’épreuve des urnes. Si Mitterrand n’avait pas fait Maastricht par referendum, qui sait jusqu’où aurait été sa remise en cause. Il faut un référendum sur la Constitution, et le gagner!
Si un seul pays ne ratifie pas, la constitution restera lettre morte. Est-ce normal?
C’est déplorable: le non d’un pays, au lieu de le mettre dehors, arrête l’ensemble. Mais comment contourner ce fait de souveraineté, tant que tous les Etats membres n’y sont pas prêts?
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(1) Face à l’hyper-puissance (Fayard)
Le Figaro: Le projet de traité constitutionnel vous parait-il équilibré?
Hubert Védrine: Valéry Giscard d’Estaing, avec un talent remarquable, a obtenu de la Convention le meilleur résultat possible dans le contexte européen à vingt cinq. L’équilibre entre des éléments de fédéralisme raisonnable et des méthodes modernes de coopération intergouvernementale est bon. Souhaitons que l’esprit de ce texte soit préservé par la Conférence intergouvernementale (CIG), ce qui n’exclut pas certaines améliorations et précisions, pourvu qu’elles ne modifient pas l’harmonie de l’ensemble.
Ces améliorations vous les verriez où?
Comme la diplomatie française le souhaite, sur les rapports entre la nouvelle présidence et le futur ministre des affaires étrangères de l’Union, la gouvernance économique, l’harmonisation fiscale… Mais il faut travailler à la marge car, si on rouvre la négociation à vingt cinq, on en reviendra quasi mathématiquement – au mieux – au résultat obtenu à Nice, en décembre 2000, résultat nettement inférieur au projet de la Convention.
Ce projet est-il vraiment apte à faire fonctionner une Europe à 25?
Mieux que Nice en tout cas. Il perfectionne et clarifie les rapports entre la Commission, le Parlement et les Etats-membres. Mais il ne règle pas – ce n’est pas la vocation d’un traité constitutionnel – la question du contenu des politiques. Celui-ci ne peut pas être défini à l’avance, il dépend du rapport de forces en Europe. Le projet Giscard est donc un cadre pour l’Europe élargie et une bonne règle du jeu, mais pas plus.
Vous avez parlé de «méthodes modernes» de coopération intergouvernementale moderne. Qu’entendez-vous par là?
Certains font souvent par dogme une présentation négative du travail intergouvernemental, par opposition au travail de la Commission, comme s’il s’agissait d’un jeu obsolète de décisions nationales non coordonnées. En réalité, le travail intergouvernemental passe aujourd’hui par un dialogue constant entre Etats membres sur la base de références de plus en plus communes et il fait aussi partie des méthodes communautaires. Il est devenu difficile à un gouvernement de prendre tout seul dans son coin des décisions différentes de ses voisins. Quelque chose se crée ainsi à travers une discipline collective, et qui restera un des moteurs de l’Europe.
N’êtes-vous pas en contradiction avec vous-même quand, d’un coté, vous défendez la coopération intergouvernementale et quand, de l’autre, vous critiquez dans votre dernier livre (1) une Europe certes «bien intentionnée», mais «évanescente» et «bavarde»?
Cette formule ne s’applique pas à l’ensemble de la construction européenne, mais à cette vision du monde irénique ou angélique de ces Européens qui voudraient vivre dans un monde post-tragique régi par le droit et la société civile internationale. Malheureusement ce n’est pas encore le cas!
Dans la préface de mon livre je parle des illusions qui ont saisi le monde après la chute de Berlin et l’effondrement de l’URSS. Pendant une dizaine d’années, les Occidentaux y compris les Européens ont cru que les tragédies étaient terminées et que le monde allait s’unifier pacifiquement autour des mêmes valeurs… les nôtres évidemment! Ce sont de belles aspirations mais en fait le monde actuel ne constitue pas encore une «communauté» tant les oppositions de conceptions ou d’intérêts y sont profondes et c’est pourquoi j’ai écrit que l’Europe avait pris ses désirs pour des réalités.
Le passage à la majorité qualifiée permettrait-il, à votre avis, de sortir de cet angélisme?
Non. A peu près comme Gribouille se protège de la pluie en se mettant dans l’étang! Là encore, les travaux de la Convention me satisfont. Si nous passions aujourd’hui au vote à la majorité en politique étrangère, nous aurions une Europe atlantiste et/ou pacifiste. Les hostilités de nos opinions à la guerre en Irak ont davantage exprimé le rejet de l’emploi de la force qu’un désir d’Europe-puissance. L’extension du vote à la majorité en politique étrangère ne ferait pas naître l’Europe de nos voeux. Un travail politique reste à faire. Il faut progresser par d’autres chemins.
Lesquels?
Je plaide pour que les Européens osent aborder frontalement leurs divergences sur l’idée même d’Europe-puissance: les atlantistes la trouvent dangereuse car elle divise l’Occident; les pacifistes rejettent l’idée de puissance; d’autres Etats membres craignent un leadership France-Allemagne-Angleterre. Pour répondre à ces craintes, il faut ouvrir la discussion, provoquer une controverse créatrice sur la place de l’Europe dans le monde et ses rapports avec les Etats Unis. Ayons cette audace, d’autant que nous ne manquerons pas d’arguments! Sans véritable accord politique sur les objectifs, la création d’un poste de ministre des affaires étrangères de l’Union ne fera pas disparaître par magie ces désaccords.
Je ne crois pas à la viabilité des formules trop rigides de «noyau dur» ou d’«avant-garde» autoproclamées, mais comme Jacques Delors je rappelle que l’Europe a toujours progressé grâce à la différenciation. Ce sera la «géométrie variable», dans le cadre des traités ou en dehors. A nous d’être présents dans toutes les combinaisons novatrices jusqu’à ce que l’on constate qu’une avant-garde s’est dégagée de facto. La proclamer trop tôt, ce serait la tuer du fait de la réaction de l’ensemble de ceux qui seraient dans l’»arrière garde»! La constater après quelques années, c’est autre chose…
Une politique étrangère commune pourrait-elle faire naître des contraintes semblables à celles auxquelles la France se heurte dans le domaine économique?
Non, pour moi ce n’est pas comparable. Dans le domaine monétaire, nous sommes mieux protégés que si nous avions gardé nos monnaies nationales. Sur le plan économique, la logique serait d’aller beaucoup plus loin dans l’harmonisation des politiques, y compris fiscales. Quant au pacte de stabilité et de croissance, à condition d’être interprété sans rigidité – la France n’est pas seule à le demander – et adapté collectivement, il ne devrait pas être une contrainte mais une règle du jeu. Nous devrions, à l’américaine, pouvoir aller en temps de crise ou pour préparer l’avenir, jusqu’à 5% de déficit puis être capables de redescendre, en temps de vaches grasses, à zéro. Bref ce sont des contraintes utiles. En revanche, en politique étrangère à la majorité qualifiée la France serait pour le moment battue sur plusieurs sujets importants, et je ne pense pas uniquement à l’Europe-puissance! Sans l’insistance française, il n’y aurait jamais eu dans le passé d’accords de Lomé, de processus euro-méditerranéen de Barcelone, de position claire sur le Proche Orient … Et je ne parle même pas de la crise irakienne! Donc, la France n’a pas à se dépouiller pour l’exemple, sauf à vouloir attiser encore l’euro-découragement mais au contraire à utiliser ses atouts…
Sentez-vous un climat d’eurodécouragement en ce moment?
Oui, bien sûr, surtout en France où nous vivons une sorte de coup de cafard qui découle de la prise de conscience tardive de la réalité inéluctable de l’élargissement et de la métamorphose de l’Europe. On réalise seulement maintenant que l’Europe ce n’est plus seulement notre petite Europe, que l’Europe élargie n’est pas la France en plus grand, qu’il faut négocier sans cesse avec d’autres, de plus en plus nombreux, et accepter compromis sur compromis. Les Français qui, pendant des années, ont cru que l’Europe-puissance allait de soi, s’aperçoivent du contraire, d’où une sorte de découragement devant cette Europe qui ne se construit plus «à la française». Mais si on avait parlé de l’Europe d’une façon plus réaliste, sans propagande et pas comme des moulins à prières, et en écoutant plus ce disaient les fameux «gens», l’opinion aurait moins décroché. On n’impose pas l’Europe aux peuples comme on gave une oie. Les propagandistes de l’Union ont adopté un ton qui est en partie responsable du décrochage constaté aujourd’hui. Pourtant l’avertissement de Maastricht avait été clair.
L’Europe peut-elle être encore un levier pour la France?
Il y a encore beaucoup de choses que la France peut faire par elle-même, avec ses propres moyens d’influence. Mais, le plus souvent, elle a intérêt à agir dans le cadre européen: elle ne peut pas réglementer toute seule, par exemple, les transports maritimes. Il y aussi des domaines où la France, loin de perdre de sa souveraineté en agissant avec ses partenaires européens, en a retrouvé: je pense à l’euro, notamment. Il faut continuer à avancer par addition plutôt que par soustraction. Les courants de pensées fondés sur la haine ou le rejet de soi, comme certains Allemands envers l’Allemagne, font maintenant plus de mal que de bien à l’idée européenne. La construction européenne ne doit pas être destructrice des identités, sinon le fossé entre les élites et la grande majorité du corps électoral, voir le premier tour de la présidentielle, va devenir un abîme.
Etes-vous pour ou contre un referendum sur la constitution?
Les deux tiers des 25 pays concernés on dit qu’ils voulaient rouvrir la discussion à l’occasion de la CIG: le détricotage complet du projet Giscard est une menace réelle. Mais si on demande à ces pays de présenter une alternative concrète, ils en seront incapables car ils ne sont pas d’accord entre eux. J’espère que la CIG sera pilotée avec autant de maestria que la Convention, que les pays contestataires seront mis au pied du mur et que le compromis déjà atteint l’emportera finalement.
C’est à ce moment là qu’il faudra s’engager à fond dans la campagne de ratification par référendum. Car il faudra un référendum. Je ne vois pas comment on peut convoquer les Corses pour réviser le statut départemental de leur île et ne pas demander aux Français ce qu’ils pensent d’un texte qui change fondamentalement la situation de la France en tant qu’État souverain dans l’Europe élargie! On ne peut pas, d’un coté, déplorer le pseudo déficit démocratique européen et, de l’autre, avoir peur de l’épreuve des urnes. Si Mitterrand n’avait pas fait Maastricht par referendum, qui sait jusqu’où aurait été sa remise en cause. Il faut un référendum sur la Constitution, et le gagner!
Si un seul pays ne ratifie pas, la constitution restera lettre morte. Est-ce normal?
C’est déplorable: le non d’un pays, au lieu de le mettre dehors, arrête l’ensemble. Mais comment contourner ce fait de souveraineté, tant que tous les Etats membres n’y sont pas prêts?
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(1) Face à l’hyper-puissance (Fayard)