«Israël ne viendra à bout du Hamas qu’en faisant disparaître la désespérance qui le soutient»

Paris Match. Israël peut-il venir à bout du Hamas?

Hubert Védrine: L’armée israélienne peut, pour un temps, et jusqu’à un certain point, détruire les capacités militaires du Hamas à Gaza. Mais Israël ne «viendra à bout du Hamas» qu’en faisant disparaître la désespérance qui a fait son succès social et électoral, donc en laissant se faire un état palestinien. J’ajoute que d’une façon ou d’une autre, les Israéliens finiront aussi par parler avec des responsables du Hamas. Il faudra qu’ils y parviennent sans affaiblir «l’autorité» palestinienne plus qu’ils ne l’ont déjà fait.

En faisant du Hamas le héros de la Résistance, Israël ne fragilise-t-il pas Mahmoud Abbas, son interlocuteur privilégié?

On ne peut pas parler d’interlocuteur «privilégié»! Israël n’a rien donné à Arafat. Puis rien à Abbas sous les prétextes les plus divers, notamment une interprétation à court terme des exigences sécuritaires. Ehud Barak a lui même reconnu que Israël avait joué – à tort – il y a quelques années, le Hamas contre l’OLP! La politique israélienne de ces dernières années, verrouillée par des forces hostiles à tout règlement et qui utilise pour cela le scrutin de représentation proportionnelle qui donne une influence démesurée à n’importe quel petit parti extrémiste, ou au lobby des colons par exemple, est absurde. La force du Hamas est le produit de ce refus, que l’administration Bush a aggravé. Pour parler comme La Palice, tant que le problème de fond ne sera pas réglé, la situation empirera.

Comment Israël peut-il aider Mahmoud Abbas qui est la chance de la paix? Par l’économie, par la politique…?

En décidant enfin (comme Rabin) de régler le problème palestinien. En faisant enfin de Mahmoud Abbas son partenaire politique, sans fermer la porte au Hamas.

Le silence des pays arabes est-il un encouragement à en finir avec des mouvements ultranationalistes comme le Hamas?

Ce n’est pas le nationalisme du Hamas qui gène les autres pays arabes, mais son islamisme. Ils rêvent d’être protégés de l’islamisme et débarrassés, par un règlement approprié, du problème palestinien. Cela leur permettrait d’avoir des relations avec Israël et de coopérer plus avec les Occidentaux.

Y a-t-il des pressions internationales susceptibles de contraindre Israël à négocier? Obama peut-il changer la politique américaine à l’égard d’Israël?

Des pressions? Non, je n’y crois pas. Les seules efficaces viendraient des Etats-Unis, qui se l’interdisent. Les pressions ont plutôt lieu dans l’autre sens. Il y a en revanche une opposition depuis des décennies entre d’une part les Israéliens qui (dixit Olmert) utilisent tous les prétextes pour ne faire aucune concession et d’autre part ceux, majoritaires dans l’opinion, qui acceptent un état palestinien à condition que leur sécurité soit totalement garantie. Obama pourrait renforcer le camp de la paix. Il pourrait changer la donne. 1. S’il y a en Israël un premier ministre qui veut régler le problème. 2. S’il est courageux et persévérant. S’il le fait, s’il réussit, il sécurisera Israël – malgré lui – et rendra l’Occident populaire dans le monde arabe. Ce serait le coup le plus rude porté au terrorisme et aux extrémistes.

«Israël ne viendra à bout du Hamas qu’en faisant disparaître la désespérance qui le soutient»

Hubert Vedrine

«Israël ne viendra à bout du Hamas qu’en faisant disparaître la désespérance qui le soutient»

Paris Match. Israël peut-il venir à bout du Hamas?

Hubert Védrine: L’armée israélienne peut, pour un temps, et jusqu’à un certain point, détruire les capacités militaires du Hamas à Gaza. Mais Israël ne «viendra à bout du Hamas» qu’en faisant disparaître la désespérance qui a fait son succès social et électoral, donc en laissant se faire un état palestinien. J’ajoute que d’une façon ou d’une autre, les Israéliens finiront aussi par parler avec des responsables du Hamas. Il faudra qu’ils y parviennent sans affaiblir «l’autorité» palestinienne plus qu’ils ne l’ont déjà fait.

En faisant du Hamas le héros de la Résistance, Israël ne fragilise-t-il pas Mahmoud Abbas, son interlocuteur privilégié?

On ne peut pas parler d’interlocuteur «privilégié»! Israël n’a rien donné à Arafat. Puis rien à Abbas sous les prétextes les plus divers, notamment une interprétation à court terme des exigences sécuritaires. Ehud Barak a lui même reconnu que Israël avait joué – à tort – il y a quelques années, le Hamas contre l’OLP! La politique israélienne de ces dernières années, verrouillée par des forces hostiles à tout règlement et qui utilise pour cela le scrutin de représentation proportionnelle qui donne une influence démesurée à n’importe quel petit parti extrémiste, ou au lobby des colons par exemple, est absurde. La force du Hamas est le produit de ce refus, que l’administration Bush a aggravé. Pour parler comme La Palice, tant que le problème de fond ne sera pas réglé, la situation empirera.

Comment Israël peut-il aider Mahmoud Abbas qui est la chance de la paix? Par l’économie, par la politique…?

En décidant enfin (comme Rabin) de régler le problème palestinien. En faisant enfin de Mahmoud Abbas son partenaire politique, sans fermer la porte au Hamas.

Le silence des pays arabes est-il un encouragement à en finir avec des mouvements ultranationalistes comme le Hamas?

Ce n’est pas le nationalisme du Hamas qui gène les autres pays arabes, mais son islamisme. Ils rêvent d’être protégés de l’islamisme et débarrassés, par un règlement approprié, du problème palestinien. Cela leur permettrait d’avoir des relations avec Israël et de coopérer plus avec les Occidentaux.

Y a-t-il des pressions internationales susceptibles de contraindre Israël à négocier? Obama peut-il changer la politique américaine à l’égard d’Israël?

Des pressions? Non, je n’y crois pas. Les seules efficaces viendraient des Etats-Unis, qui se l’interdisent. Les pressions ont plutôt lieu dans l’autre sens. Il y a en revanche une opposition depuis des décennies entre d’une part les Israéliens qui (dixit Olmert) utilisent tous les prétextes pour ne faire aucune concession et d’autre part ceux, majoritaires dans l’opinion, qui acceptent un état palestinien à condition que leur sécurité soit totalement garantie. Obama pourrait renforcer le camp de la paix. Il pourrait changer la donne. 1. S’il y a en Israël un premier ministre qui veut régler le problème. 2. S’il est courageux et persévérant. S’il le fait, s’il réussit, il sécurisera Israël – malgré lui – et rendra l’Occident populaire dans le monde arabe. Ce serait le coup le plus rude porté au terrorisme et aux extrémistes.

source:https://www.hubertvedrine.net Homepage > Publications > «Israël ne viendra à bout du Hamas qu’en faisant disparaître la désespérance qui le soutient»
15/01/2009